Les connivences écologistes des experts « indépendants »

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Depuis maintenant plus de 10 ans, le CRIIGEN de Corinne Lepage et Gilles-Eric Séralini apparaît régulièrement dans les médias comme « le » groupe indépendant qui dénonce le danger potentiel des OGM. Par « indépendance », ils l’entendent évidemment par rapport aux entreprises impliquées dans les OGM. D’ailleurs Gilles-Eric Séralini admet volontiers que cette indépendance est toute relative : « C’est un mythe, l’indépendance ! Nous-mêmes, le CRII-GEN, nous sommes indépendants des producteurs d’OGM, nous ne sommes pas indépendants de nos adhérents ! Nous sommes bien sûr dépendants des citoyens qui veulent bien nous aider, même des industriels qui veulent bien nous demander des contre-expertises. » Mais si le CRIIGEN n’a pas d’intérêts financiers dans les OGM, il a un intérêt idéologique, tout comme ses clients tels Greenpeace et la Confédération paysanne, à s’opposer aux OGM. Car, pour les écologistes, la bataille contre les OGM est devenue le symbole de la dénonciation de notre société industrielle. Or un intérêt idéologique à s’opposer aux OGM devrait automatiquement disqualifier un scientifique, en tout cas autant qu’un scientifique qui a un intérêt pécuniaire à défendre les OGM.

Hélas, la plupart des médias ne s’interrogent pas sur cette dépendance idéologique. Au contraire, ils apprécient les études catastrophistes « indépendantes » du CRIIGEN dont le sérieux s’appuie sur l’autorité de la blouse blanche de Gilles-Eric Séralini. Les écologistes ont compris depuis bien longtemps la complaisance de ce type de journalistes sur cet aspect de l’expertise. Du coup, les écologistes usent (et abusent) d’un stratagème d’une simplicité enfantine. Des écologistes anti-OGM décident de créer un groupe labellisé « indépendant », dans lequel sont placés quelques militants écologistes dotés d’un bagage scientifique, et qui a pour tâche de fournir des études critiques sur les OGM à ces mêmes militants anti-OGM. Ensuite, les militants anti-OGM organisent toute une agitation médiatique sur le contenu de ces études. Les uns sont les faire-valoir des autres, et réciproquement. On peut appeler cela aussi « petites arrangements entre amis ». Ce mode d’opérer est régulièrement utilisé en France dans divers domaine (cf. CRIIRAD, CRIIREM, etc.), mais aussi à l’étranger comme on a pu s’en rendre compte récemment.

Testbiotech à l’assaut de l’EFSA

Ainsi, en octobre 2009, on pouvait lire dans un article de La France Agricole qu’« un centre de recherches indépendant, TestBiotech » a publié « un nouveau rapport pointant les insuffisances des méthodes d’évaluation des OGM ». Qu’est-ce donc, ce centre de recherche indépendant ? Fondé en Allemagne en juin 2008, Testbiotech se veut être « un centre d’expertise principalement concernant les conséquences écologiques, sociales et éthiques de la biotechnologie moderne. L’accent est mis en particulier sur les applications du génie génétique en agriculture ». Testbiotech entend conduire « ses propres études ou les projets de recherches commandés par d’autres institutions » et utiliser « les résultats de recherches pertinents pour les faire connaître à un public plus large ». Pour faire encore plus sérieux, il s’est affublé du nom « Institut pour l’évaluation de l’impact des biotechnologies ». Parmi ses autres activités : une « EFSA GMO Watch ». C’est-à-dire une veille sur les activités de l’Autorité européenne de sécurité alimentaire concernant les OGM. C’est aussi Testbiotech qui a monté en épingle l’affaire Suzy Renckens, reprochant à cette dernière d’avoir été embauchée par Syngenta peu de temps après avoir occupé un poste administratif pour le panel OGM à l’EFSA.

Or cet institut « indépendant » a été créé exclusivement par des militants anti-OGM. Le responsable de Testbiotech, Christoph Then, a été « l’expert » de Greenpeace Allemagne sur l’agriculture et le génie génétique entre 1999 et 2007. Il collabore aussi avec l’ONG anti-OGM allemande Réseau Gén-éthique, dont sont issus trois autres responsables de Testbiotech. On trouve aussi dans la direction de Testbiotech, Hartmut Meyer, un des responsables de GENET, un réseau de 50 ONG écologistes européennes qui organise régulièrement des conférences visant à élaborer une stratégie pour contrer les OGM. Et quand Testbiotech, inconnu du grand public, décide de sortir sa première étude en octobre 2009, comment fait-il pour avoir un impact médiatique ? Eh bien, Christoph Then remet officiellement ce document à une personnalité, en l’occurrence la 1ère Vice-présidente de la Commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire, qui n’est autre que… Corinne Lepage, qui s’empresse d’en faire un écho positif !

ENSSER : enfin, Séralini n’est plus tout seul !

A peu près au même moment où Testbiotech voyait le jour, en décembre 2008, un groupe de 36 chercheurs de 12 pays se réunissait à Berlin afin de créer un réseau de scientifiques européens sur le modèle américain de l’Union of Concerned Scientists. Le but est d’évaluer les risques des nouvelles ou futures technologies sur la santé, sur l’environnement et sur la société, avec une instance particulière sur les OGM. Rien d’étonnant, car on doit cette initiative à la Fondation Sciences Citoyennes (FSC) dont les responsables, Jacques Testart et Christian Vélot notamment, sont réputés pour leur croisade anti-OGM. D’ailleurs, parmi les intervenants lors de cette réunion, il y avait Gilles-Eric Séralini, Hartmut Meyer, animateur du réseau GENET et de Testbiotech, et bien d’autres militants anti-OGM. Finalement, en août 2009, cela a abouti à la création du Réseau européen de scientifiques pour une responsabilité sociale et environnementale (ENSSER). L’avantage avec l’ENSSER, du point de vue des écologistes, c’est que Gilles-Eric Séralini ne sera plus le seul scientifique à dénoncer les OGM. On pourra désormais dire « un groupe de scientifiques indépendants européens » dénonce les OGM. Ça fait quand même mieux ! Néanmoins, la présidente de l’ENSSER, Angelika Hilbeck, et son vice-président, Christian Vélot, sont tous deux membres du CRIIGEN, et la secrétaire, Rosa Binimelis, est membre de l’association espagnole anti-OGM Plataforma Transgènics Fora…

Pour donner encore plus de poids à ses experts verts, rien de tel que d’organiser un séminaire ou une conférence dans un lieu institutionnel. C’est ce que fera l’ENSSER en organisant le 15 avril 2010 leur réunion générale annuelle au siège de l’Agence européenne de l’environnement (AEE), à Copenhague. L’AEE et l’ENSSER en profitent pour organiser un séminaire public les 15 et 16 avril sur le thème «Science & Société». Ce séminaire abordera la question de l’évaluation des OGM et des produits chimiques, le problème des lanceurs d’alerte et, enfin, le frein que représente les droits de propriété intellectuelle dans l’évaluation des risques. Comment l’ENSSER, cette toute jeune association, a réussi à se faire inviter de la sorte par l’AEE ? En fait, David Gee, l’un des coordinateurs de l’AEE, avait été présent lors de la réunion fondatrice de l’ENSSER en décembre 2008 et il avait, à cette occasion, proposé que la prochaine réunion générale de l’ENSSER se tienne au siège de l’AEE, celle-ci prenant en charge tous les frais. Petit détail : David Gee a été le directeur de la branche britannique des Amis de la Terre entre 1990 et 1992. On reste donc en bonne compagnie, celle des militants anti-OGM.

En guise de conclusion

Récemment, on a pu voir les ONG écologistes réunies avec les experts verts « indépendants » s’épauler les uns les autres, avec une complicité sans failles. C’est à l’initiative de l’eurodéputée Corinne Lepage (qui, elle aussi, a compris l’importance du décorum institutionnel), qui a décidé d’organiser le 4 mars au Parlement européen à Bruxelles un séminaire sur le thème « Santé. Expertise en question: conflits d’intérêts et carence d’évaluation », en partenariat avec… le CRIIGEN, la Fondation des Sciences Citoyennes et l’ENSSER. Parmi les intervenants, pas de grandes surprises : Gilles-Eric Séralini (CRIIGEN), Christoph Then (Testbiotech), professeur Marcello Buiatti (CRIIGEN), Catherine Bourgain (FSC), François Veillerette (MDRGF), André Cicolella (RES), etc. Sans oublier David Gee, de l’Agence européenne de l’environnement. Bref, une petite réunion de famille des experts « indépendants » !

Sources

France Culture, Terre à terre, émission du 31 mars 2007, Santé et Environnement, transcription téléchargeable ici.

http://www.lafranceagricole.fr/actualite-agricole/ogm-un-nouveau-rapport-met-en-cause-les-methodes-d-evaluation-depassees-de-l-efsa-18097.html

http://www.testbiotech.org/en

http://www.alde.eu/fr/details/news/seminaire-adle-sante-expertise-en-question-conflits-dinterets-et-carence-devaluation/

http://ensser.org/

14 commentaires sur “Les connivences écologistes des experts « indépendants »

  1. copinage de même niveau que les process de peer review des scientifiques militants du GIEC

    et avec une autre exemple, un militant carbocentriste membre de la Commission d’Enquête sur les mails piratés du CRU (et la personne en question a omis de déclarer ce conflit d’intérêts )

  2. « un intérêt idéologique à s’opposer aux OGM devrait automatiquement disqualifier un scientifique », dîtes-vous

    Je pense de même qu’un intérêt idéologique à rechercher la vérité (ou à défendre une cause) devrait automatiquement disqualifier les magistrats comme les avocats, et aussi tout particulièrement les philosophes.

    un intérêt idéologique à rechercher le beau et l’harmonieux devrait automatiquement disqualifier les artistes

    un intérêt idéologique à défendre la santé devrait automatiquement disqualifier les médecins

    un intérêt idéologique à éduquer les enfants devrait automatiquement disqualifier les enseignants

    un intérêt idéologique à souhaiter la paix devrait automatiquement disqualifier tous ceux qui se méfient des marchands de canons

    allez, poussons un peu : un intérêt idéologique à se préoccuper du sort de la planète devrait automatiquement disqualifier tous ceux qui se prétendent écologistes.
    Avec une terrible duplicité, il se font du souci par exemple au sujet du nucléaire et – allons jusqu’à l’extrême ! – des pesticides.

    Dieu merci, vous n’avez pour votre part aucun intérêt idéologique à rien du tout. Et il ne saurait être question d’évoquer même par allusion un quelconque intérêt matériel, cela est vulgaire et ne saurait avoir cours entre gens de bonne compagnie.

  3. @ME51

    Je sais que vous êtes là pour faire du buzz et que le contenu des articles de une ne servent en fait qu’à renvoyer, par réaction aux éventuelles réactions… dont la possibilité est permise à cette seule fin, vers ce genre de liens où s’affirme cette fois ci tout à fait ce que vous êtes : des lobbyistes au service de l’industrie.
    Allez bonne nuit !

  4. @Max

    « ce que vous êtes : des lobbyistes au service de l’industrie. »
    => Argument débile du manichéisme habituel chez les croyants, si on ne pense pas exactement comme eux, on est forcément des agents du mal… 😉

  5. @ Max

    Votre réponse me déçoit,oui franchement que venez vous faire sur AE si vous n’avez pas un minimum d’ouverture d’esprit.

    Si je n’étais pas agriculteur ou plus généralement dans le milieu agricole,j’aurais peut être également des doutes sur l’onnocuité des produits phytosanitaires .

    Alors Max,de quoi avez vous peur?depuis combien de temps?comment cela à t’il débuté?

    J’attends votre réponse,oui sérieusement et aprés on pourra commencer à discuter.

    A bientôt

  6. Zut les smileys ne marche pas.
    Moi , il parait que suis suis sponsorisé par EXXON. Sniffff, ils ne m’ont toujours pas payé.

  7. « David Gee, l’un des coordinateurs de l’AEE, avait été présent lors de la réunion fondatrice de l’ENSSER en décembre 2008 et il avait, à cette occasion, proposé que la prochaine réunion générale de l’ENSSER se tienne au siège de l’AEE, celle-ci prenant en charge tous les frais. »

    == Petite sauterie quand même organisée aux frais du contribuable puisque l’AEE est financée par le budge tde la commission lui-même alimenté par les « contributions » des citoyens des Etats Membres……..

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