Les grandes manœuvres politiques et agricoles

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La composition du gouvernement Hollande devrait être annoncée très prochainement. Sur le terrain agricole, les grandes manœuvres ont commencé. Décryptage.

1- Les écolos placent leur pion
Quoiqu’on en dise, l’agriculture a bien été présente dans la campagne présidentielle. Les écologistes n’ont cessé d’avancer leur pion. Ainsi le journal Le Monde a publié dans la période de l’entre deux tours une tribune émanant d’organisations écolos (voir ici ) avec une proposition phare : des états généraux. En clair : remettre au goût du jour la méthode du Grenelle et sa méthode « gagnante » qui donne la parole aux associations qui ne représentent qu’elles-mêmes et imposent aux travailleurs les désirs des bobos et surtout des charges nouvelles. L’initiateur de cette tribune n’est autre que Serge Orru, directeur du WWF qui avait déjà publié d’autres « papiers » du même tonneau dans le même journal en début d’année. A noté que Mac Dufumier, ex paris agro tech et « conseiller  spécial » de Nicolas Hulot s’est aussi livré à l’exercice – s’exprimer dans le journal de référence- en proposant la même solution miracle.
Il est à noter que les grandes ONG ne souhaitent pas un EELV au poste du ministère de l’environnement, mais plutôt la version PS du profil Borloo : «  une personnalité de poids et proche de F Hollande ».

2- Sus à la FNSEA
La priorité est bien entendu de lancer de nouvelles chimères économiques autour du concept de relocalisation. Concept qui s’accompagne d’injonctions sur l’abandon des biocarburants, l’interdiction des OGM, la réduction automatique de l’usage des pesticides… Comme d’habitude, les écologistes nient la contribution économique du secteur agricole aux comptes de la nation (balance commerciale, …). Ils re-moulinent des arguments classiques sur la réduction de nos importations de tourteaux de soja , d’huile de palme…. Comme disait Raymond Barre, “il y a qu’a, il faut qu’on” !
Une approche similaire aux positions développées par Marine le Pen et le Front National. Les ‘anti’ FNSEA se retrouvent autour d’un slogan commun : il faut relocaliser et produire national.
Un point commun mais surtout une convergence d’action : l’anéantissement de la FNSEA. Car celle-ci serait LA responsable de l’impasse agricole, écologique, énergétique, de l’agriculture française, et allons-y des suicides en agriculture ! Si le prix de l’œuf a augmenté c’est à cause de la FNSEA et de ses responsables qui s’en mettraient plein les poches. Au passage, on oublie un petit détail : le modèle agricole de la FNSEA est aussi à l’origine d’un excédent agroalimentaire de… 11,6 milliards d’euros en 2011 dans notre balance de commerce extérieur. Un point de détail !

3- Le monde rural au bord de la crise de nerf
Les commentateurs découvrent « l’implantation rurale » du FN et s‘inquiètent de la peur de déclassement d’une partie de nos concitoyens. Le président de la FNSEA s’est clairement exprimé à ce sujet. Poussée dans le monde rural, poussée sur l’ensemble du territoire national, y compris dans les terres « démocrates- chrétiennes » du grand ouest. Sur Europe 1, Xavier Beulin a déclaré ne pas bien comprendre ce choix : « je crois qu’il y a des fondamentaux : nous sommes Européens. Les agriculteurs sont très reconnaissants de ce que l’Europe a permis d’apporter à l’agriculture française ». En clair, un agriculteur qui adhère aux thèses agricoles du FN se tire une balle dans le pied. Xavier Beulin a marqué une forme de désarroi face à ce vote d’adhésion FN dans les campagnes. Certes, on trouve des agriculteurs mais pour la majorité, ce sont des personnes qui se sont installés dans le milieu rural à cause du prix du foncier ou de l’immobilier, avec pour motivation de se protéger… Mais  aujourd’hui, ces personnes constatent leur appauvrissement. Immobilier en milieu rural parti à la baisse (la chimère de l’enrichissement par la hausse continue de l’immobilier mais virtuelle),  augmentation du coût de l’essence pour aller travailler, salaires moyens proches du smic, situation très difficile des petites entreprises sous-traitantes des grands groupes (automobile par exemple)… Les commentateurs découvrent que la campagne, c’est aussi des gens qui travaillent avec des contrats en intérim en enchaînant les missions ou en CDD.

4- L’agriculture intensive : un bouc-émissaire tout trouvé
Les noms du prochain ministre de l’agriculture et du détenteur du poste de l’écologie seront un vrai éclairage sur la vision de F. Hollande et du PS sur cette situation politique du monde rural et agricole en pleine mutation. Xavier Beulin souhaite un grand ministère qui regroupe l’agriculture avec l’agro alimentaire, pour donner du poids économique et donc politique pour peser face à l’environnement et l’écologie. Le rapport de force entre les prochains nominés à ces deux postes ministériels sera un indicateur déterminant pour l’avenir. Ce choix politique peut s’appuyer idéologiquement sur le vote issu des grandes villes qui ont toutes donné une majorité claire au nouveau locataire de l’Elysée et donc au PS (à l’exception de Nice). Il est fort à parier qu’une partie du PS n’hésitera pas, avec les verts, à déclarer la guerre à “l’agriculture intensive”. Un bouc-émissaire facile qui présente l’immense avantage de masquer ou d’éviter des déchirements sur d’autres sujets comme le nucléaire et encore l’aéroport Notre Dame des Landes (lire ici).
Les dossiers de l’insecticide Cruiser, la loi sur les obtentions végétales… sont des sujets déjà bien préparés médiatiquement pour ouvrir les hostilités.
Bref, une machine de guerre est sans doute lancée qui commencera par des états généraux qui se prolongeront jusqu’à la campagne des élections aux chambres d’agriculture. On pourra alors découvrir une drôle de mixture faite d’une union entre la Coordination rurale et la Confédération paysanne, appuyée par des journalistes et des ONG avec pour finalité : faire chuter Xavier Beulin et donc la FNSEA. Les boules puantes vont sortir et le combat sera centré sur la personnalité du Président de la FNSEA (un remake de la campagne contre Nicolas Sarkozy).

5- Cliver, il n’y a que ça de vrai !
Ce clivage entre ‘écolos’ et ‘tenants de l’agriculture intensive’ (ONG/FNSEA) ne serait pas vu d’un mauvais œil par certains responsables agricoles.  Ce serait l’occasion de mobiliser les agriculteurs autour de la centrale syndicale assiégée. Une situation déjà vue à l’époque de François Guillaume, président de la FNSEA qui entre 1981 à 1984 n’a cessé de démolir la politique d’Edith Cresson, ministre de l’agriculture d’alors. Mais attention, l’histoire ne se refait pas. D’autant plus que la puissance de frappe des organisations agricoles n’est plus la même. Xavier Beulin n’est pas François Guillaume. Et il n’est certainement pas prêt à mener cette guerre, avec son cortège de contre vérités, d’amalgames, de simplifications et d’outrances. Du coté de celui des opposants, ils n’auront pas d’état d’âme.

6- Tous rattrapés par la réalité ?
Ce scénario ne se réalisera peut être pas car le réalisme va s’imposer rapidement dans les sphères gouvernementales. La situation économique est loin d’être favorable (nous sommes au bord de la récession), des plans de licenciements s’annoncent, les différentiels de compétitivité perdurent avec l’Allemagne (qui ne changera pas immédiatement de politique économique), l’Etat comme les régions n’auront pas les moyens de répondre à toutes les demandes. Et le budget de la PAC n’est pas assuré. En raison du développement de la crise en Europe, ce budget sera peut être demain remis en cause. Dans ce cas, il faudra bien que le gouvernement gère. Mais avec qui au fait… ?

 

Source :
http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/04/27/pour-des-etats-generaux-de-l-agriculture_1691949_3232.html
http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/04/03/pour-un-pacte-agricole_1679228_3232.html
http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/02/24/reorienter-d-urgence-l-agriculture-francaise_1647752_3232.html

14 commentaires sur “Les grandes manœuvres politiques et agricoles

  1. « Si le prix de l’œuf a augmenté c’est à cause de la FNSEA »

    Personne n’aurait-il eu jusque là l’idée de mettre cette hausse sur le compte du RCA ?
    C’est étonnant… ! 😉

  2. @JG2433

    Où sur l’excès de norme et de réglementation, dont Philippe Chalmin estimait le coût pour le consommateur à plus de 20% du prix du produit à l’étal, pour une qualité identique.

    Avec la crise qui approche, violente, très violente, destructrice, les bureaucrates de Bruxelles ont du soucis à se faire, face aux kalachnikovs qui sortent des caves, les directives et règlement de Bruxelles ont peut d’incidence!

    Si le peuple manque de pain, leurs têtes finiront au bout de piques comme en 1792. A moins que les chinois prennent les choses en main en Europe. Où l’un puis l’autre.

    Il semblent qu’ils n’en aient pas encore conscience vu ce qu’ils produisent, dans la droite ligne, de l’époque bénie du début des années 2000.
    .

    1. Vous oubliez toujours que les bureaucrates de Bruxelles ne sont pas des kamikazes. Ils ne font des propositions que lorsqu’il y a un réel besoin, lorsque cela est souhaité (c’est dans l’air du temps) ou lorsqu’il y a une demande.

      En tout état de cause, les propositions sont formellement adoptées – après amendement éventuel – par le Conseil et le Parlement (pour certaines matières, celui-ci n’est que consulté).

      Les bureaucrates sont des boucs émissaires bien commodes.

      .

      Tenez, pour la Directive 1999/74/CE du Conseil du 19 juillet 1999 établissant les normes minimales relatives à la protection des poules pondeuses :

      « LE CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE,
      vu le trait‚ instituant la Communaut‚ europ‚enne, et notamment son article 37,

      vu la proposition de la Commission (1),

      vu l’avis du Parlement europ‚en (2),

      vu l’avis du Comit‚ ‚conomique et social (3),

      A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE »

      .

      Il serait grand temps que l’on prenne conscience de l’importance d’avoir, d’une part, un ministre qui ait du poids à Bruxelles (je pense qu’on en a eu un avec M. Le Maire) et, d’autre part, des députés européens d’envergure, conscients des véritables enjeux et oeuvrant pour notre avenir (pas des José Bové champions de l’altermondialisme et des complexes d’Oedipe mal négociés ou des Rachida Dati qui claironne qu’elle s’emm… à Strasbourg).

      1. Désolé, ma copie de PDF n’a pas pris les lettres accentuées.

      2. « En tout état de cause, les propositions sont formellement adoptées – après amendement éventuel – par le Conseil et le Parlement (pour certaines matières, celui-ci n’est que consulté). »

        Mon cher Wakes Seppi, excusez-moi, mais il y a un champ de décisions pour lequel où, s’il n’y a pas de majorité qualifiée au Conseil, ni pour, ni contre (quand la règle de la majorité est une majorité qualifiée, cela arrive, et même assez fréquemment), c’est la proposition de la Commission qui passe. Ceci est profondément antidémocratique. Et ceci justifie les critiques contre la bureaucratie ou la technocratie bruxelloise. Ne parlons pas du Parlement européen qui n’a aucune légitimité démocratique et qui n’est qu’un alibi.

        Les seuls pouvoirs véritablement légitimes en Europe étant les parlements nationaux et les gouvernements qui en sont issus, la seule instance européenne légitime est le Conseil. On peut aussi imaginer y ajouter une instance parlementaire émanant des parlements nationaux.

        1. Le seul domaine pour lequel la décision revient à la Commission lorsqu’aucune majorité qualifiée, pour ou contre, n’est obtenue au sein du Conseil est (à ma connaissance) celui de l’autorisation des OGM.

          On peut très bien imaginer que les États membres ont adopté ce mécanisme – si ma mémoire ne me trahit pas, au grand dam de la Commission – précisément pour pouvoir se défausser. Et, de fait, par un curieux hasard, ils arrivent toujours à produire un vote qui tombe dans la zone grise.

          Ce n’est – malheureusement – pas profondément antidémocratique, puisque c’est l’expression d’une volonté démocratiquement exprimée et adoptée.

          Quant à ce qui se passe dans le cas d’un OGM particulier, nous avons eu deux cas de figure :

          1.  Ou bien la Commission a décidé de tergiverser, sous un prétexte ou un autre, voire sans aucun prétexte. Cela a été le cas (à ma connaissance) pour toutes les demandes d’autorisation de mise en culture, sauf pour le MON 810 et la pomme de terre Amflora (et encore, celle-ci a dû attendre quelque sept ans et l’arrivée de John Dalli).

          2.  Ou bien la Commission a pris une décision en entérinant les recommandations de l’EFS. Cela a été le cas pour l’importation et l’utilisation d’OGM, essentiellement pour éviter de se faire sanctionner à l’OMC.

          Ce qui est profondément antidémocratique, c’est la tergiversation voire le refus explicite de statuer. Un pouvoir conféré à une autorité, démocratiquement comme c’est le cas en l’espèce, se doit d’être exercé sans délai et de bonne foi.

          .

          Il est de bon ton, en France et dans d’autres pays, de contester la nature démocratique des institutions bruxelloises. Je ne peux que marquer mon désaccord.

          Dorénavant, le Président de la Commission est proposé par le Conseil et élu par le Parlement (en 2009, le traité de Lisbonne n’étant pas encore en vigueur, M. Barroso a été nommé par le Conseil). Le Parlement auditionne les commissaires pressentis et vote sur le collège de commissaires en bloc. En pratique, le jeu est plus subtil. En 2004, le Parlement a contraint un changement pour le commissaire proposé par l’Italie. M. Rocco Buttiglione a dû se retirer, pour cause de propos sur l’homosexualité, et c’est M. Franco Frattini qui a été substitué à lui.

          Quant au Parlement, sauf erreur de ma part, nous élisons nos députés.

      3. Et de l’importance des producteurs a travers du COPA/COGECA , des consommateurs et du négoce lors de l’élaboration des Directives qui concernent le secteur agricole…

      4. « les normes minimales relatives à la protection des poules pondeuses »

        La vraie question est la suivante :

        Pourquoi protéger les poules pondeuses par des normes et des lois.
        Les agriculteurs ne sont pas intelligents? ils ne savent pas que si la poule meure trop vite elle ne produira plus d’œufs et donc qu’il sera en faillite.

        L’agri fait un compromis entre le bien être de la poule (qui coûte de l’argent), la surface minimale nécessaire pour faire vivre la poule (qui coûte aussi de l’argent) et le nombre / qualité des œufs pondus (qui rapporte de l’argent).
        Il sait très bien le faire, alors foutons lui la paix !!!
        L’Europe n’a pas à ce mêler de ce genre de truc !!!

  3. Il n’y a pas que les OGM qui sont l’objet de décisions de la Commission en l’absence de majorité qualifiée du Conseil.

    Le parlement est élu, certes, mais pas dans le cadre d’une communauté politique unifiée. Dans chaque pays s’affrontent des partis différents, qui n’ont aucun lien organique, ni politique, trans-frontières, en nombres différentes dans chaque pays, avec des modalités de scrutins différentes dans chaque pays. Le résultat est une institution très peu légitime pour représenter un peuple européen qui n’existe pas !

    1. Groupe du Parti Populaire Européen (Démocrates-Chrétiens) (PPE)265
      Groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen (S&D)184
      Groupe Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l’Europe (ADLE)84
      Conservateurs et Réformistes Européens (CRE)55
      Groupe des Verts – Alliance Libre Européenne (V-ALE)55
      Groupe confédéral de la Gauche Unitaire Européenne – Gauche Verte Nordique (GUE-NGL)35
      Groupe Europe Libertés Démocratie (ELD)32
      parlementaires non-inscrits26
      total736

      http://www.europe-politique.eu/groupes-parlement-europeen.htm

      1. Ce sont des groupes constitués après l’élection. Rien de commun, par exemple, avec un groupe de notre Assemblée nationale, constitué pour l’essentiel par des députés investis par un même parti et élus sous son étiquette, avec un même programme.

  4. Qui a écrit cet article?
    Pourriez vous signer vos article à « alerte environnement?

  5. Miguel Tallman dit :
    3 juillet 2012 à 21:33
    Qui a écrit cet article?
    Pourriez vous signer vos article à « alerte environnement?

    —> Vous êtes chargé de veiller sur ce site? Par qui? Depuis quand? Et vous qui êtes vous? Miguel Tallman, c’est un pseudo?

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