Nous en parlions dès le 18 septembre, la loi d’avenir sur l’agriculture prévoit de transférer la décision des Autorisations de mise sur le marché (AMM) à l’ANSES au détriment de la DGAL. Gil Rivière-Wekstein sur son site Agriculture et Environnement décrypte cette décision. Analyse à lire évidemment…
3 éléments à retenir :
-L’audit sur le sujet commandé par le ministre n’a jamais été rendu public. Et pour cause ; il préconisait le statut quo.
-C’est la fin de l’analyse bénéfices/risques des produits phytos.
-Et surtout, dorénavant, le ministre ne sera plus responsable de l’homologation des produits phytos. Ca s’appelle le courage politique !
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http://www.agriculture-environnement.fr/edito,2/pesticides-la-de%CC%81robade-de-ste%CC%81phane-le-foll,883.html
On peut discuter autour de cela, tout le problème vient de l’absence TOTALE d’analyse bénéfices/risques au niveau de l’évaluation de l’anses. C’est une analyse des risques selon les principes du « principe de précaution ».
La même chose serait faite avec les médicaments ou les médicaments vétérinaires et rien absolument rien ne serait autorisé.
Le gestionnaire, le ministre et ses services ne devraient pas à avoir à s’occuper des bénéfices, cela étant fait logiquement, dans un système qui fonctionne correctement par l’évaluateur.
Le gestionnaire devrait logiquement prendre en charge des ajustements pratiques en lien avec le contexte de production, économique mais aussi technique par rapport à l’évolution du contexte parasitaire et de faits nouveaux au sein de ce dernier par rapport à une évaluation bénéfice /risque bien conduite mais plus ancienne donc obligatoirement non actualisée.
Le système actuel ne fonctionne pas normalement sous la pression des médias et des ONG qui ne veulent entendre parler que de risques s’agissant des pesticides et non de bénéfices, l’ANSES est en cela moyennement responsable de sa dérive en terme de focalisation sur la seule évaluation des seuls risques.
Pourtant on relira avec grand bénéfice: http://www.senat.fr/notice-rapport/2009/r09-421-notice.html
« La mise sur le marché, au milieu du XXe siècle, de produits phytopharmaceutiques a permis aux agriculteurs de disposer de moyens efficaces pour lutter contre les diverses pressions parasitaires que subissent les cultures. L’augmentation significative des rendements des terres agricoles en
résultant bénéficie également au consommateur de produits frais ou transformés, qui se voit proposer une nourriture abondante, peu chère et de bel aspect. »
Le terme « bel aspect » est juste mais nos rapporteurs signalaient dans le cœur du rapport la démonstration aussi d’une alimentation plus saine car moins contaminée par différentes mycotoxines incommensurablement plus dangereuses que les résidus de pesticides dans les pays développés et que justement les pesticides permettent de limiter significativement.
Ce type de bénéfice n’est pas ou n’est plus pris en compte dans l’évaluation de l’ANSES actuellement, un transfert supposerait évidemment une évaluation plus « équilibrée » entre les deux volets : risques mais aussi bénéfices qui ne seraient plus comme actuellement « oubliés ».
Nous pourrons si nécessaire revenir sur les bénéfices qui sont en fait une gestion de risques majeurs s’agissant de réduire la contamination par les mycotoxines, notamment suite à l’attaque des grains par des charançons dans les silos, attaques justement controlées par des insecticides appliqués volontairement sur les grains pour éviter ces mycotoxines cancérigènes (aflatoxines, ochratoxine )…..présentes à des niveaux parfois élevés dans les produits céréaliers lorsque la protection est insuffisante.
S’agissant de bénéfices, il est nécessaire de relire à fond l’excellent rapport des rapporteurs Gatignol et Etienne, l’un médecin et l’autre vétérinaire, donc formés à l’analyse bénéfices/risques et adoptant une démarche rationnelle.
P 57 – Sécurité sanitaire des aliments
Si les risques pour la santé liés à une exposition aiguë aux pesticides sont
avérés, si les risques pour la santé liés à une exposition chronique à faible dose sont
controversés, aucune étude scientifique n’est en mesure aujourd’hui de faire, chez
l’homme, un lien entre la consommation d’aliments issus de l’agriculture
conventionnelle qui utilise des produits phytopharmaceutiques et la survenue de
maladies.
En revanche la sécurité sanitaire des aliments est dans certains cas
renforcée grâce à l’emploi des pesticides. C’est le cas en ce qui concerne les
mycotoxines qui peuvent avoir des effets désastreux bien connus sur la santé
humaine et animale.
Les aflatoxines, les trichothécènes, la zéaralénone, les fumonisines,
l’ochratoxine A, la patuline sont considérées actuellement comme étant les
mycotoxines pouvant avoir des effets sensibles sur la santé humaine et animale à
l’échelle mondiale.
Comme exemples, l’aflatoxine B1 est un agent cancérogène pour l’homme
(CIRC, 1993a) et constitue l’un des plus puissants facteurs de cancer du foie que l’on
connaisse, la fumonisine B1 du maïs provoque une leucoencéphalomalacie chez le
cheval, un oedème pulmonaire chez le porc.
La présence de moisissures et de mycotoxines peut être atténuée par diverses
mesures de prévention appliquées avant et après la moisson, telles que des mesures
appropriées de lutte contre les ravageurs et les maladies et des pratiques saines de
moissonnage, de séchage et de stockage. Les mesures appropriées peuvent
comprendre des pratiques culturales qui privilégient par exemple un semis en rangs
plus espacés ou encore la rotation des cultures. En effet, les semis en rangs serrés, la
reconduction de la culture d’une année sur l’autre d’une même culture, favorisent le
développement de moisissures.
Mais ces pratiques culturales sont, pour des raisons essentiellement
économiques, peu mises en oeuvre. Lorsqu’elles le sont, elles ne permettent pas
toujours d’éviter l’apparition de moisissures, ce qui conduit bien souvent l’agriculteur
à employer des fongicides avant et voire après la récolte.
Vos rapporteurs souhaitent rappeler ces bénéfices de l’usage des
pesticides et invitent les pouvoirs publics à anticiper les conséquences
P59- Vos rapporteurs sont bien sûr conscients de la nécessité de renforcer les mesures de nature à
préserver l’environnement et la santé humaine et ne méconnaissent pas les coûts
annexes liés à l’usage des pesticides comme ceux concernant la production d’eau
potable ou la dépollution des sols.
Mais ils rappellent que l’évaluation de la balance bénéfices-risques peut
évoluer dans le temps. Le DDT a été considéré pendant de nombreuses années
comme un produit miracle avant d’être remis en cause dans les années 1970 en raison
de sa persistance dans l’environnement et de ses effets délétères sur des organismes
vivants. Or l’OMS a préconisé en septembre 2006 l’utilisation raisonnée du DDT de
manière à réduire le nombre de décès dus au paludisme (1 million par an). En effet, le
DDT permet de combattre efficacement le moustique, vecteur de la maladie. L’OMS
recommande la vaporisation à l’intérieur des maisons non seulement dans les zones
touchées par l’épidémie, mais aussi dans certaines régions à haut risque situées
notamment en Afrique.
La lutte contre les moustiques vecteurs de chikungunya a dû, après des
atermoiements qui ont causé une situation sanitaire très préoccupante à la Réunion,
être menée au moyen d’insecticides de type organophosphoré (matière active
téméphos) ou à base de pyréthrinoïdes (principalement la deltaméthrine) et par des
moyens biologiques comme le Bacillus thuringiensis israeliensis.
Une telle controverse illustre bien la difficulté à mesurer les bénéfices et les
risques liés à l’usage des pesticides et à prendre les décisions politiques adaptées. Les
pesticides prouvent sur le terrain assez facilement leur efficacité mais leur efficacité
même est liée à leur toxicité vis-à-vis de certains organismes cibles voire non cibles.
Dans le cas du DDT cependant, il faudrait peut-être s’interroger sur les raisons qui ont
conduit à le réutiliser alors que sa rémanence et sa toxicité sont connues. Ne pourrait on
employer d’autres insecticides ? Le choix est-il limité par le seul coût ?
P71 – Vers des crises à répétition dans le domaine qualitatif ?
Les normes de qualité relatives à la présence de mycotoxines dans les
céréales, les jus de fruits, le vin… entrent à peine en vigueur. Selon les conditions
climatiques et parasitaires, elles peuvent affecter notre agriculture bien au-delà de
10% de la production nationale de céréales et de maïs et avoir un fort impact sur les
productions biologiques. Cette perspective est redoutable. Il faut faire prendre
conscience au consommateur que ces normes sont pour lui protectrices et éviter
l’amalgame entre produits agricoles et risques pour la santé.
Les deux élus n’avaient pas encore à leur disposition l’exemple des 52 mortes, 800 dialysées et 4000 hospitalisées de l’incident E coli en Allemagne, trop important pour qu’il ne marque pas les esprits et soit zappé par une presse refusant une nature décrite comme hostile.
Idem pour 28 hospitalisés suite à l’ingestion de galettes au sarrasin bio dont au moins deux garderont des séquelles à vie.
Ces deux exemples récents et assez connus sont des cas d’intoxications aigües où le lien a été facile à établir, mais combien d’intoxications chroniques par les alcaloïdes du datura ou de l’ergot du seigle, par les mycotoxines qui se développent dans les silos faute d’une protection suffisante contre les insectes, ou au champ avant la récolte ?
Nous pourrions aussi nous intéresser au lait et aux aflatoxines en Italie, entre autre.
Si l’ensemble de la prise en charge de l’autorisation des pesticides doit passer à l’ANSES comme annoncé, ces aspects oh combien indispensables , devront être correctement pris en charge par l’agence, dans le flux qui conduit à l’autorisation.
On notera que l’Agence a produit un excellent rapport sur le sujet des mycotoxines en 2009 http://www.anses.fr/fr/content/le-point-sur-les-mycotoxines , rapport sur lequel se sont en partie appuyé les deux rapporteurs cités.
Ce rapport et ce travail au sein de l’agence reste toutefois superbement ignoré par la structure d’évaluation des pesticides au sein de l’ANSES pour l’aspect bénéfices..