Merci à Edouard pour cette contribution.
Ces derniers mois, le débat sur l’interdiction ou non du glyphosate, l’herbicide le plus vendu au monde, a fait rage. En France, le lobby de l’industrie bio mené par Biocoop a pesé de tout son poids. Mais derrière ce combat politique se cache une stratégie marketing bien pensée…
Après de multiples campagnes d’information et une intense médiatisation, le monde entier connait désormais le nom de Monsanto. La multinationale américaine est celle qui produit le désherbant le plus utilisé au monde, le glyphosate, présent dans 750 produits. S’il est utilisé de façon massive aux Etats-Unis et en Amérique du Sud, ce produit est utilisé sur le vieux continent à doses beaucoup plus faibles. Néanmoins, ces derniers mois, le débat a fait rage entre les différents Etats-membres de l’UE : faut-il interdire la vente et l’utilisation de cette molécule en Europe ? Jusque là, la quasi totalité des instituts scientifiques avaient émis des avis rassurants. Mais en 2015, le Centre International de la Recherche sur le Cancer déclarait que l’herbicide était « probablement cancérigène ». Une prise de position isolée et critiquée, mais qui a sonné l’heure de l’assaut médiatique des associations écologiste contre la molécule. Alors même que les dernières études en date blanchissent sans doute possible le glyphosate, la victoire médiatique des partisans de l’interdiction du glyphosate est quasi-totale. Leur « son de cloche » est désormais majoritaire dans la plupart des médias français, allemands ou américains et il faudra de très nombreuses années avant que les conclusions scientifiques, rassurantes et mesurées, soient audibles auprès du grand public.
Biocoop, géant du capitalisme vert
En France, le glyphosate sera désormais interdit « dans les trois ans » et le président de la République a promis à tous les agriculteurs qu’il trouvera « des solutions crédibles » pour remplacer cet herbicide massivement utilisé. Derrière cette décision se cache un puissant lobbying orchestré par l’association « Générations Futures », dont le syndicat Synabio (Syndicat National des transformateurs de produits naturels et de culture biologique) est un membre incontournable. On retrouve notamment en son sein Biocoop, le géant de la distribution de produits bio. Un géant du capitalisme vert, avec une croissance records et des bénéfices florissants : avec ses 500 magasins en France, il a réalisé un chiffre d’affaires de 1,1 milliard d’euros en 2017, soit… trois fois plus que Monsanto dans l’Hexagone.
Biocoop se définit comme un acteur « militant » et « engagé » comme le prouve le chèque de 50 000 euros signé en octobre 2017 pour soutenir les coordinateurs du «Tribunal Monsanto ». Ce cycle de conférences et de prises de paroles organisées à Bruxelles par plusieurs associations écologistes cherchait à alerter les médias sur les dégâts sociaux ou environnementaux dont Monsanto est accusé. Biocoop a également soutenu la journaliste et réalisatrice Marie-Monique Robin, auteur du film Le RoundUp face à ses juges. Mais derrière cet engagement louable se cache un marketing agressif qui vise également à servir ses propres intérêts économiques. Parfois, cette stratégie se retourne contre elle comme en 2014 où Biocoop décida de faire une campagne contre les pommes non bio. Une campagne agressive et manichéenne où le groupe de distribution présentait ses produits comme les seuls comestibles, renvoyant les autres pommes au statut de « poison ». Fin septembre 2016, l’entreprise a été condamnée par le TGI de Paris pour dénigrement et appel au boycott. Interrogé dans Les Echos, Patrick Marguerie, le directeur communication de la marque, explique la démarche globale : « Biocoop est une entreprise militante, qui est contre les pesticides, les OGM et a vocation à prendre position. Le projet économique intervient derrière le projet politique. »
Mélange des genres
Dès lors, l’influence de Biocoop dans le débat français sur le glyphosate interroge. Car sa participation financière dans un tribunal dit « citoyen », sa campagne de pub ultra-diffusée fin 2017 avec le slogan « On nous déconseille de manger trop gras, trop sucré, trop salé. Mais glyphosate, ça va » et ses nombreuses vidéos à charge ne sont pas dénuées d’arrière-pensées. Leader incontesté sur le marché, il voit aujourd’hui débarquer des nouveaux acteurs comme Carrefour, Auchan ou encore Leclerc, qui vient d’annoncer vouloir ouvrir 200 magasins bio en France. Une concurrence qui pousse le groupe à marquer sa différence pour s’imposer comme la seule référence. L’éviction du glyphosate du marché français, en dépit de toutes les études scientifiques, s’inscrit précisément dans une dialectique où les intérêts économiques se masquent derrière les discours politiques. En appuyant de tout son poids l’interdiction de la molécule, Biocoop fait apparaître un « problème glyphosate » dont il serait naturellement la solution. Un storytelling classique du marketing qui permet à l’entreprise de s’imposer comme le seul acteur légitime du marché, et une leçon de stratégies médiatiques à enseigner dans toutes les bonnes écoles de commerce…
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