Pesticides et santé : chez France Inter, on n’aime (toujours) pas la contradiction

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Emission de vulgarisation scientifique de France Inter , « La tête au carré » présentée par Mathieu Vidard avait choisi mardi dernier de consacrer une énième émission au sujet des pesticides. Il est évident qu’il ne fallait pas s’attendre à un plaidoyer pour l’agriculture. Et effectivement,  le contenu a été à la hauteur de militantisme habituel d’une radio de service public. Mais cette fois-ci, pas de Générations Futures , de François Veillerette ou de Paul François sur le plateau mais des personnalités plutôt inconnues du grand public :

-Jean-Noël Jouzel, sociologue au CNRS, et au centre de sociologie des organisations de Sciences Po. Sa biographie annonce très clairement la couleur : « Jean-Noël Jouzel travaille sur les controverses liées aux enjeux de santé environnementale et de santé au travail. Dans une perspective croisant science studies, sociologie de l’action publique et sociologie des mobilisations, ses recherches participent à l’essor actuel des travaux sur la construction sociale de l’ignorance. Ses enquêtes actuelles portent sur les pesticides et leurs effets sur la santé des populations exposées (travailleurs et riverains), sur la surveillance des risques chimiques liés aux nanomatériaux, et sur le rôle de la médecine hospitalière dans la connaissance et la reconnaissance des maladies professionnelles.« 

-Et Laurence Huc, Toxicologue et directrice de recherche en toxicologie à l’INRAE. Depuis des années, cette scientifique brillante a eu l’intelligence de tracer son chemin en dehors de toutes les structures militantes anti-phytos habituelles. Son engagement militant n’en ai pas moins fort et même probablement plus efficace.

Sous un verni plus scientifique que le discours d’une François Veillerette, c’est donc l’habituelle soupe idéologique qui nous a été servie par « La tête au carré »: « la science réglementaire est aux mains des lobbies » ; « la vraie science (celle des chercheurs du service public) est ignorée » , « les grands groupes phytopharmaceutiques fabriquent des études leurres pour nous détourner des vraies problèmes » ; « les agences sanitaires sont au minimum incompétentes » ; « on ne peut pas vraiment mesurer les « effets cocktails » des pesticides », etc. Et d’ailleurs, pourquoi continuer la recherche puisque l’on sait que « les pesticides tuent tout » sur leur passage ?

Le dossier SDHI mentionné par Laurence Huc est l’exemple flagrant de cette « nouvelle » démarche militante. A l’origine, deux chercheurs, Pierre Rustin et Paule Bénit qui démontrent que les fongicides de la famille des SDHI (abréviation pour succinate dehydrogenase inhibitor) causent des problèmes sur les cellules « in vitro ». Branlebas le combat, il faut interdire ces fongicides ! [Au passage, à ce train-là, il faut interdire l’eau de javel qui tue aussi des cellules in vitro, mais bon, on n’est pas à contradiction près], tribune dans Libération, pied de grue devant l’Anses, qui lasse de sollicitations incessantes finit par céder et à étudier le « problème ». Résultat des courses au bout de 4 ans : rien, mais vraiment rien, aucun problème signalé, ni en France, ni ailleurs en Europe et dans le Monde.

Sauf que la dite Laurence Huc ne veut pas s’en arrêter là. Avec la complaisance des directions des centres de recherche publics, Laurence Huc a réussi le tour de force de mobiliser 2 millions d’euros d’argent public (le vôtre…) pour démontrer les risques de cette famille de fongicides. Démontrer ou plutôt confirmer puisque pour elle, la conclusion est déjà écrite : [Dans 5 ans] « Nous aurons des preuves dans plusieurs disciplines, en toxicologie, en agronomie, en épidémiologie, … L’idée est que ce dossier devienne « un cas d’école » et que ça serve à légiférer sur d’autres pesticides. »

Voilà donc la nouvelle génération de scientifiques invités par « La tête au carré » : des scientifiques qui arrivent à écrire les conclusions de leurs études avant de les mener : quel tour de force !

21 commentaires sur “Pesticides et santé : chez France Inter, on n’aime (toujours) pas la contradiction

  1. Otez moi d’un doute :c’est » la tête au carré « ou « la terre au carré » ? Il y a qq années , j’aimais bien écouter sur ma petite radio portable pendant mes travaux viticoles l’émission « la tête au carré ». On y parlait de toutes les sciences de façon didactique et abordable pour le commun des mortels que j’étais. Puis par un beau jour de 2019 , M Vidard annonce que l’émission allait être débaptisée et réorientée vers tout ce qui touche aux sciences de la terre , l’écologie , pour épouser au plus près la nouvelle ligne imposée par le service public. J’ai écouté qq semaines , j’ai vite compris , j’ai changé de fréquence…

    1. Même la « tête au carré », c’était souvent limite, et tombait déjà carrément dans la pseudo science (émission sur la biodynamie, étude OGM/Séralini sans aucun recul…).

  2. oui moi aussi j’aimais ecouter autrefois cette emission quand j’etis sur mon tracteur ! nous y apprenions des choses trés interressante ! oui petit a petit cette emission a evoluer et a pris le parti des militants ecolos ! ça ne se voyait pas trop au debut et ça a finit par être flagrant ! je n’ecoute plus cette emission qui n’est devenu qu’une tribune de plus pour les detracteurs de la science , du progrés et qui surtout ne diffuse qu’une pensée unique sur tous ces sujets , celle des radicaux ecolos !

    1. @Dom61
      C’est bien vous qui commentez si judicieusement dans le journal La Croix?
      J’avoue que j’ai de plus en plus de mal avec ce journal qui met systématiquement en avant tous les acteurs de l’apocalypse (dernièrement, MM Robin, Bruno Latour, sans oublier Gaël Giraud, Jancovici, etc…).
      En ligne directe avec l’encyclique Laudate Si, si catastrophique.

      La Croix est un grand défenseur de la décroissance. Son PDG a d’ailleurs signé l’appel des coquelicots et ils n’ont pas l’air de réaliser la catastrophe alimentaire en cours, ni les conséquences du passage au bio comme au Sri Lanka.

  3. On avait déjà des crétins militants sur France Inter (l’animateur « scientifique » cité). On a aussi des abrutis complets dans les instituts comme INRAE dont la fonction devient de confirmer des croyances. Et nous avons à redouter les « nouvelles » approches de ces gens qui raisonnent danger et non plus risque : aucune considération sur la notion d’exposition, interdiction de toute la chimie, etc.

  4. Bonjour
    Quand vous dites qu’il n’y a aucun problème avec les fongicides SDHI, sur quelles études scientifiques vous appuyez cette affirmation ? J’aimerais bien connaître la source.
    Merci d’avance

    1. marc c’est quoi vos sources d’informations ? Green peace ; EELV, Génération future , biocoop??

  5. Bonjour à toutes et à tous,

    La carte Adonis créée par l’entreprise associative Solagro vient d’être mise en ligne, elle a pour ambition de porter à la connaissance de tous les données communales sur l’usage des pesticides.

    Pour réaliser cette carte, Solagro a utilisé des données publiques brutes, issues essentiellement des services statistiques du ministère de l’Agriculture. Elle a croisé les données du registre parcellaire graphique (RPG) 2020, qui donne accès à toutes les cultures ; les enquêtes Pratiques culturales, qui donnent un indice de traitement phytosanitaire (IFT) moyen, décomposé pour chaque pesticide, par ancienne région administrative ; et les données sur les parcelles en bio fournies par l’Agence bio. Du fait de l’utilisation des données moyennes, certains biais pourraient exister, dans le cas, par exemple, de pratiques à faibles utilisations de pesticides dans une commune en agriculture conventionnelle.

    La valeur de l’indice de fréquence de traitements phytosanitaires (IFT) communal répond à deux finalités majeures :
    • être utilisée à des fins de recherches scientifiques et
    • servir de référence pour la définition et l’évaluation des politiques publiques nationales et européennes, dans des démarches de labellisation des exploitations agricoles et d’établissement de plans de progrès visant à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires.

    Face aux enjeux environnementaux et de santé publique, il est nécessaire de construire une agriculture durable économe en intrants et respectueuse des ressources naturelles et d’assurer aux Français une alimentation de qualité pour réduire la prévalence des maladies chroniques.
    Cette carte pourra servir d’outil d’accompagnement des agriculteurs et de gestion des politiques publiques à l’échelle locale, régionale, et même nationale. C’est aussi un outil pour changer les pratiques et transformer les territoires » à une échelle locale.

    https://solagro.org/nos-domaines-d-intervention/agroecologie/carte-pesticides-adonis

    1. Merci M. Charles pour cette carte très intéressante, en espérant qu’elle permette les changements de pratique indispensables pour enfin réduire l’utilisation massive des phyto de synthèse.

      1. Ce qui dicte la baisse de l’utilisation des phytos en agri , ce n’est pas par le fait d’un quelconque comité théodule à Paris où à Bruxelles…C’est avant tout la météo ! Prenons le cas de la viticulture sur l’année très humide qu’a été 2021 :, pas besoin d’être devin pour comprendre que les tonnages de cuivre auront explosé à l’occasion de ce millésime quand on fera le bilan …

    2. Ouais , dites-moi le nombre de décès qu’ont les fumeurs chaque année , le nombre de décès qu’engendre la pollution des
      voitures , camions , bateaux et moi je vous direz le nombre de décès que cause les molécules phytopharmaceutiques à, usage agricole .
      Un p’tit conseil Philippe en passant , débranche ta télé et ouvre des revues traitants honnêtement et sérieusement du sujet .

      1. Très mauvais argument qui consiste à détourner les propos de P. Charles qui n’a jamais évoqué le nb de morts de telle ou telle cause.

        1. On (les agriculteurs ) nous attaque , accuse tellement d’être responsable de nombreux cancers qu’a force cela devient une réponse instinctive .
          Mais quand il parle « enjeux environnementaux et de santé publique  » ,  » réduire la prévalence des maladies chroniques  » , je pense qu’il parle d’un potentiel danger à utiliser des molécules phytopharmaceutiques , non !
          Faudra t-il du blé à 1 000 €/T pour que la population comprenne que l’agriculture et par conséquent la nourriture est vitale !
          Non , en fait c’est un stage dans un labo ou l’on fait toutes les études afin de commercialiser une matière active qu’il faut que pratique nos détracteurs de l’agriculture conventionnelle , voila tout .
          Et puis d’un point de vue technique , pratique du terrain , le bio est une aberration , c’est un agriculteur de plus de 30 ans de métier qui vous le dit .

  6. Voilà qui devrait inciter les pouvoirs publics à limiter/interdire les aspersions polluantes, surtout à proximité des habitations, des EHPAD ou encore des établissements scolaires. Et accélérer le changement de pratiques obsolètes.

    1. En effet, si grâce à ces nouvelles données les pouvoirs publiques réduisent enfin l’utilisation massive des pesticides qui polluent terre, air et eau, la planète et ses humains ne s’en porteront que mieux.

        1. Le 1er graphique montre notamment que la quantité de phytos à nettement diminué au cours des 20 dernières années, diminution qui va de pair avec la forte croissance qu’a connu l’agriculture biologique.

          1. Le graphique montre une division par deux en vingt ans des quantités utilisées. Et ce serait dû au bio qui ne représente toujours pas 10% des surfaces aujourd’hui? Restons sérieux!
            Même un nouveau mode d’agriculture sans pesticides (donc, pas le bio) qui passerait à 10% des surfaces ne ferait baisser à lui seul que de 10% les tonnages utilisés. De plus, comme dit dans l’article, les pesticides en bio sont plus pondéreux, donc un rôle au mieux marginal dans la baisse.

          2. Tout à fait d’accord avec Listo.

            Les graphiques ne s’interprètent pas sans un minimum de connaissance du fond.

            Une exploitation herbagère qui « se convertit » au bio ne changera guère la donne: elle utilise peu de pesticides. Une grande partie du bio est en prairies…

            Une exploitation en grandes cultures qui [bis] fera baisser le chiffre.

            Une exploitation en vignes ou vergers qui [ter] aura tendance à faire augmenter le tonnage du fait de l’utilisation de produits moins efficaces, exigeant plus de traitements et pondéreux.

            C’est illustré ici, par une jolie étude réalisée à l’INRA:

            https://seppi.over-blog.com/2018/08/pesticides-l-agriculture-biologique-est-elle-vraiment-vertueuse.html

            Comme la pression médiatique et politique contre les pesticides « de synthèse » croît, il est à craindre que les chiffres, en baisse tendancielle sur le long terme, ne repartent à la hausse, les agriculteurs conventionnels se tournant vers les produits utilisables en agriculture biologique pour répondre à cette pression.

          3. non Helene
            Ce n’est pas le bio qui fait baisser les phytos . Si l’on parle en tonnage ce qui n’est pas du tout judicieux mais la triste règles , ce serait même l’inverse . Même les agri conventionnels en blé par exemple remplacent une demi dose de fongicide (environ 0.5l suivant les produit ) par 3kg de souffre . On les incite a cela car le souffre est «  »naturel » » mais vous comprendrez facilement le pb en parlant en tonnage!

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