Idée reçue n°2 : Il n’y a jamais eu autant de pesticides utilisés en France

Partager sur : TwitterFacebook

Les champs et cultures seraient « biberonnés », « aspergés » aux pesticides. Cette affirmation est un leitmotiv chez les écologistes à l’image de Yannick Jadot, candidat malheureux à l’élection présidentielle qui déclarait de plateau en plateau qu’ « on avait jamais utilisé autant de pesticides que sous le quinquennat Macron ». Un tableau particulièrement effrayant pour les décroissants qui voient dans les produits phytosanitaires, la source de tous les maux de notre modèle agricole. Certains médias se sont chargés de démentir de tels propos, mais l’idée que les pesticides sont toujours plus utilisés reste imprimée dans l’inconscient collectif. Or, cela est faux. Les chiffres montrent qu’au cours des deux dernières décennies, la tendance de fond est bien à une réduction (importante) de l’usage des pesticides.

Des chiffres sur de courtes périodes à pendre avec des pincettes…

Pour affirmer le contraire, il suffit pour des associations environnementalistes comme Générations Futures de zoomer sur une année particulière. Ainsi, 2018 a connu une forte hausse des ventes de pesticides en France. C’est bien la preuve qu’il n’y en a jamais eu autant dans nos champs crient en cœur les ONG militantes. Pourtant, en prenant juste un petit peu de recul, on s’aperçoit que la réalité est plus complexe et surtout pas du tout en phase avec les discours des écologistes.

Si 2018 a connu une hausse des ventes de pesticides, c’est parce que les agriculteurs ont anticipé une forte augmentation de la redevance pour la pollution diffuse dont l’entrée en vigueur le 1er janvier 2019 a rendu plus coûteux le prix des produits phytosanitaires. Les professionnels ont préféré constituer des stocks pour ne pas subir une hausse des prix et ont donc moins acheté de pesticides en 2019. La vente de produits phytosanitaires a d’ailleurs enregistré une baisse de 12 % entre 2018 et 2019 en moyenne triennale. Décidément, la réalité est très différente de l’univers dans lequel évoluent les écologistes.

… Et des usages à analyser dans le détail

En plus du rapport au temps qu’il s’agit de bien apprécier pour déterminer les évolutions réelles du recours aux pesticides, il faut s’intéresser aux usages qui en sont faits. En 2021, 55 389 tonnes de matières actives ont été vendues en France. Un chiffre en augmentation de 7,9 % par rapport à l’année précédente selon Phyteis, l’organisation professionnelle qui fédère 19 entreprises mettant sur le marché des solutions de protection des plantes à usage agricole (et représentant 96 % du marché français en valeur). L’usage des pesticides a donc bien augmenté entre 2020 et 2021. Cette hausse est liée à deux facteurs. La hausse du prix des matières premières (comme le cuivre) a été anticipée par de nombreux agriculteurs. Un réflexe somme toute classique qui vient mettre en évidence l’utilisation de pesticides dans l’agriculture…biologique.

En effet, le cuivre et le soufre sont abondements utilisés en agriculture biologique, et ont connu une hausse importante de leurs ventes. Ces deux produits sont particulièrement pondéreux et viennent augmenter le tonnage annuel des ventes. En 2021, ils ne représentaient pas moins de 34,9 % des volumes de matières actives commercialisées. Une réalité qui échappe là encore à des écologistes qui font semblant de ne pas savoir que les pesticides font partie intégrante de l’agriculture biologique.

Une tendance de fond en forte baisse

Une fois les phénomènes annuels expliqués, il convient de s’intéresser aux vagues de fond. Et là encore, la tendance se confirme : l’usage des pesticides est en (forte) baisse sur le temps long. Depuis 1999, les quantités de pesticides vendues ont baissé de 54 %. La baisse est constante puisque les quantités ont diminué de 29,5 % depuis 2008. La tendance de fond est donc bien à la baisse et ce, de manière marquée.

D’autres données gouvernementales vont dans le même sens. Les substances actives les plus préoccupantes (classées CMR) ont vu leur part baisser de 28 % à 12 % entre 2009 et 2020. Par ailleurs, le nombre de produits phytopharmaceutiques autorisés en France est passé de 3 036 à 1 660 entre 2008 et 2020. Le nombre de substances actives homologuées a elle aussi diminué passant de 425 à 323 au cours de cette même période.

La baisse du nombre de produits phytosanitaires et molécules autorisés n’est pourtant pas sans conséquence. Les bioagresseurs – à savoir les maladies, les ravageurs et les adventices – peuvent devenir résistants. A l’image des antibiotiques qui ne font plus effet, les pesticides peuvent voir leur intérêt s’amenuiser si un bioagresseur a développé une forme de résistance. C’est pourquoi il est important d’utiliser un panel varié de substances phytosanitaires.

Des solutions alternatives aux pesticides qui fonctionnent, mais incapables de les supplanter totalement

L’agriculture française est donc engagée vers une utilisation toujours moindre des pesticides. Cette réduction s’inscrit dans le cadre d’exigences réglementaires et européennes de plus en plus fortes. Les agriculteurs prennent soin des sols et privilégient des substances qui n’ont pas ou peu d’impact sur leur qualité et rendements à long terme. Pourtant, on en arrive parfois à des paradoxes qui passent en dehors des radars médiatiques. Le cuivre en est la parfaite illustration puisqu’il vient augmenter sensiblement les volumes de vente des produits phytosanitaires alors que cette solution prisée de l’agriculture biologique est de plus en plus décriée pour ces effets sur l’environnement.

La baisse du recours aux produits phytosanitaires est une réalité statistique et dans les champs. Les pouvoirs publics – sous la pression des ONG écologistes – appellent à poursuivre cette évolution qui n’est possible que grâce à l’engagement des agriculteurs. Cette évolution est-elle cependant pérenne ? La fin du recours aux produits phytosanitaires est-elle une fin en soi ?  Cet objectif poussé par les seuls écologistes ne tient pas compte de la réalité du travail agricole et des enjeux en termes de rendements, de sécurité alimentaire, de coûts pour les consommateurs et même de qualité. L’agriculture française est une des plus productives et respectueuses de l’environnement. Vouloir remettre en cause les produits phytosanitaires, c’est sacrifier une partie des récoltes et voir une partie de la population se priver de produits sains et indispensables. Un pari plus que risqué…