Ecologie et religions

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Le piège de l’écologisme


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Critiques du fondement judéo-chrétien du progrès

L’objectif principal de nombreux théoriciens de l’écologie et responsables de mouvements écologistes, depuis leur émergence il y a environ quarante ans, n’est pas d’accéder au pouvoir politique en tant que tel mais de changer les valeurs de la société. C’est ce qu’exprimait déjà en 1975 un groupe de travail réunissant les plus grandes associations écologistes américaines dans leur étude intitulée The Unfinished Agenda : « La transition de l’abondance à la pénurie chez le peuple exige un profond changement de valeurs. (…) La première chose à l’ordre du jour sera de repenser le concept de croissance. » Et ils identifient immédiatement les fondements judéo-chrétiens de notre société comme les valeurs à modifier : « L’assimilation de la croissance avec le bien provient sans doute de la façon dont les institutions religieuses ont interprété la Genèse 1:28, avec l’injonction divine : « Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l’assujettissez ; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre« . »

De fait, les valeurs judéo-chrétiennes, et en particulier ce verset de la Bible, ont constamment été l’objet des critiques écologistes. En 1966, l’historien californien Lynn White donnait une conférence intitulée « Les racines historiques de notre crise écologique », restée célèbre et une référence dans le débat environnementaliste. Il constate d’abord qu’au XIXème siècle « la science et la technologie, jusque-là des activités distinctes, se sont unies pour conférer à l’humanité des pouvoirs qui, à en juger par un grand nombre des effets écologiques, sont aujourd’hui incontrôlables ». Selon lui, « s’il en est ainsi, la chrétienté porte un immense poids de responsabilité ». Pourquoi ? Tout simplement parce que « la chrétienté est la religion la plus anthropocentrique que le monde n’ait jamais connue », car l’homme « ne fait pas simplement partie de la nature : il est fait à l’image de Dieu ». Ainsi, l’historien américain déplore que « la chrétienté (…) a insisté sur le fait que la volonté de Dieu est que l’homme exploite la nature pour ses propres fins. » Il regrette surtout la victoire du judéo-christianisme sur le paganisme, jugé plus respectueux de la nature : « Tandis que durant l’Antiquité, chaque arbre, chaque source, chaque colline avait son propre genius loci, son gardien spirituel, protection divine contre les excès des humains, le christianisme, en détruisant l’animisme païen, va désacraliser le monde et permettre l’exploitation de la nature dans un climat d’indifférence spirituelle à l’égard de la sensibilité des objets naturels. »

Que faire alors face à ce problème d’ordre culturel ? Lynn White est convaincu que « notre science et notre technologie actuelles sont à ce point imprégnées de l’arrogance chrétienne dominante à l’égard de la nature, que l’on ne peut attendre d’elles seules la solution de nos crises écologiques. » Il avance donc sa solution : « La religion étant à la source même de nos malheurs, le remède doit être lui aussi d’essence religieuse, que l’on répugne ou non à l’appeler ainsi. » Pour cela, il faut, selon lui, trouver « une nouvelle religion, ou repenser l’ancienne ». Dans la deuxième alternative, il s’agit in fine de « paganiser » le judéo-christianisme.

Le biologiste américain Paul Ehrlich, aux thèses malthusiennes extrémistes, soutenait en 1972 la même position que White, considérant que l’efficacité du mouvement écologiste serait renforcée par un aspect religieux. Ehrlich déclare ainsi qu’« aux Etats-Unis, les attitudes peu orthodoxes, mais ouvertes et quasi religieuses, qui se développent au sein de ce que l’on appelle la “nouvelle gauche” et le mouvement “hippie”, peuvent nous être d’un grand secours pour sauver notre environnement ». Il précise que les hippies se réfèrent « à l’Orient non chrétien » et Ehrlich se félicite de voir que « la nouvelle gauche se place ainsi aux antipodes de la vieille gauche socialiste et communiste, dernier rejeton de la tradition judéo-chrétienne d’exploitation de la nature ».