La doctrine de la décroissance

Paul Ehrlich, un Malthus à la sauce écolo

Moins de deux siècles après Malthus, un biologiste américain de l’université de Stanford, Paul Ehrlich, publie en 1968 un livre qui va faire sensation : La Bombe P – «P» pour population.

Ce best-seller reprend de la façon la plus radicale les thèses malthusiennes, mais en les justifiant avec des arguments écologistes. Dans Population Ressources Environnement, publié en 1970 avec sa femme, Ehrlich dresse un tableau apocalyptique de la situation : «Trois milliards et demi d’hommes vivent aujourd’hui sur la Terre et chaque année leur nombre augmente de 70 millions. Equipée d’armes aussi diverses que la bombe thermonucléaire et le DDT, cette masse humaine menace de détruire la plus grande partie de ce qui vit sur la planète.» Ainsi, auparavant, la surpopulation menaçait « seulement » la stabilité de la société, alors que maintenant, avec son activité industrielle, elle menace également les systèmes écologiques.

Comme Malthus, Ehrlich cible les pauvres, en particulier les nations sous-développées (NSD). Pour freiner leur croissance démographique, il va jusqu’à imaginer d’«ajouter un agent stérilisateur à l’eau potable» ou de «mettre au point un virus stérilisateur». Non seulement, il veut réduire la démographie des NSD, mais il veut à tout prix les empêcher de développer leur agriculture et leur industrie, une fois de plus en justifiant cela avec des arguments écologiques : «Comme l’a fait remarquer un biologiste, « pensons à ce que deviendrait l’atmosphère si 700 millions de Chinois se mettaient à conduire des automobiles ».» D’ailleurs, pour Ehrlich, «la plupart de ces nations ne seront jamais, en toute hypothèse, « développées » dans le sens où le sont aujourd’hui les pays industriels d’Amérique et de l’Europe. On pourrait les appeler très exactement des nations « qui ne seront jamais développées« ». Et pour s’assurer qu’elles ne se développent jamais, il prend à son compte la proposition émise par les frères Paddock, deux agronomes américains, selon laquelle il fallait appliquer une politique de triage dans l’aide au développement : aider les pays qui ont une chance de s’en sortir, et laisser mourir les autres. Ehrlich écrit au sujet de ces derniers : «Les pays qui sont tellement loin en arrière dans la course population-nourriture, qu’il n’y a aucun espoir que notre aide alimentaire puisse les mener un jour à l’autonomie. Les Paddock disent que l’Inde est probablement dans cette catégorie. Dans ce cas, selon le système de triage, l’Inde ne devrait plus recevoir de nourriture.»

Ehrlich s’accorde avec Malthus pour « ramener la population au niveau des subsistances » et le biologiste américain décide d’aller encore plus loin. Il considère en effet que les ressources naturelles s’épuisent non seulement en raison de la pression démographique mais aussi à cause du « sur-développement », comme il le qualifie, et des destructions causées par la pollution. En conséquence, selon Ehrlich, il est indispensable également de faire décroître la production afin de préserver au mieux les ressources. Il propose alors de «lancer une campagne de masse pour rétablir la qualité de l’environnement en Amérique du Nord, et pour dé-développer les Etats-Unis. Dé-développer, c’est-à-dire: mettre notre système économique (et en particulier nos habitudes de consommation) en harmonie avec les réalités de l’écologie et l’état actuel des ressources mondiales.» La campagne pour la décroissance est ouvertement lancée !