Une nébuleuse

Le professeur Dominique Belpomme

Le professeur Dominique Belpomme, fondateur en 1984 de l’association ARTAC (Association française pour la recherche thérapeutique anticancéreuse), était un cancérologue anonyme jusqu’en 2002.

Sa soudaine notoriété, il la doit à sa brusque conversion à l’écologisme apocalyptique et non en raison d’une quelconque percée scientifique ou de la découverte d’une cure révolutionnaire. Il semble même que la rigueur ne soit pas la plus grande des qualités du cancérologue (voir à ce sujet ce texte).

François Veillerette jouera un rôle essentiel dans le succès du professeur en lui ouvrant son carnet d’adresse du monde écologiste, en échange d’une caution scientifique indéfectible.

C’est alors le début d’une grande histoire d’amour entre les deux associations – l’ARTAC et le MDRGF –, la première hébergeant même plus d’un an la deuxième.

Le MDRGF, tout comme L’Ecologiste, Philippe Desbrosses et PAN Europe d’ailleurs, aidera ensuite très activement Dominique Belpomme pour l’organisation d’un colloque en mai 2004 sur le thème « Cancer, environnement et société », à l’occasion duquel il a lancé son fameux Appel de Paris contre la pollution, soutenu entre autres par les médiatiques professeurs Montagnier et Israël ou encore Nicolas Hulot.

Comme le note pourtant Agriculture & Environnement (n°42, novembre 2006) : « [Cet appel] n’a rien de très original puisqu’il se borne à reprendre les principaux arguments catastrophistes des mouvements écologistes actifs dans les années 60-70. »

D’ailleurs de nombreux scientifiques ont déploré la démarche du professeur Belpomme.

Le professeur David Khayat, ancien président de l’Institut national du cancer et cancérologue à l’hôpital de La Salpêtrière à Paris, considère que les thèses de Dominique Belpomme « ne sont étayées par aucune donnée scientifique » (voir aussi ce texte).

De fait, de nombreux scientifiques se sont désolidarisés des propos apocalyptiques de Dominique Belpomme, au point où Maurice Tubiana et Catherine Hill (épidémiologiste à l’Institut Gustave-Roussy) ont fait publier le 20 août 2004 une tribune libre dans Les Échos, dans laquelle ils s’insurgent contre le fait que « des prédictions catastrophistes sur les méfaits de la pollution sur la santé emplissent les médias, en particulier celles d’un médecin cancérologue attribuant 80 % des cancers à la pollution, voire plus. […]

La résurgence de peurs moyenâgeuses pourrait avoir des conséquences néfastes, car les gouvernements peuvent être incapables de résister aux pressions de l’opinion publique ».

De même, Jean-Pierre Camilleri, directeur honoraire de la section médicale de l’Institut Curie, a déclaré au sujet de l’Appel de Paris : « Mais de qui se moque-t-on ? Dans un pays industriellement développé comme la France, au cours des vingt dernières années, la population a gagné chaque année trois mois d’espérance de vie supplémentaire. Certes, vieillir, c’est aussi avoir plus de probabilités de faire un cancer, opportunité que les peuples d’Afrique, décimés par le sida et les guerres, ont peu de chances de connaître. »

On comprend l’agacement de ses confrères, M. Belpomme ne fait pas dans la nuance. Dans Ces maladies créées par l’homme (2004), il décrète que « polluer est devenu aujourd’hui un crime contre l’humanité [car] c’est la survie même de l’espèce humaine qui pourrait être [menacée par la pollution] ».

Et au début de son dernier livre, Avant qu’il ne soit trop tard, il cite Alan Gregg, ancien conseiller médical de Fondation Rockefeller : « Le monde souffre d’un cancer, et ce cancer est l’homme. » Bizarrement, le professeur Belpomme n’explique pas comment il compte éradiquer ce cancer-là…