Fabrice Nicolino sur les traces de Thierry Meyssan

Le début de la fin

Cet engagement de Fabrice Nicolino pour la décroissance se double d’une certaine nostalgie de la « société paysanne entre 1880 et 1940 ». Tout en reconnaissant que « ce monde n’était pas un paradis [et qu’]il était souvent dur pour les femmes et les enfants, parfois insupportable pour les manouvriers », il assure que « cet univers extraordinaire, plein de tant de formes voisines et différentes, paraît humain ».

« Tout a basculé en quelques décennies, et s’est changé en cauchemar. […] L’alliance folle de la machine, de l’industrie et des technosciences, emballe tout. Place à la vitesse ! Place à la pub, au plastique, à la chimie, à la merde », accuse-t-il. Rejoignant le « siècle maudit » de René Dumont, il peut donc conclure que « le siècle précédent aura sacrifié sans y penser, sans s’y arrêter, une sociabilité assise sur des siècles de pratiques modestes, adaptées au temps, à l’environnement, aux contraintes physiques ».

Pour Fabrice Nicolino, le « début de la fin » commence juste après la Seconde guerre mondiale. En bon militant catastrophiste, il reprend à son compte les théories de certains chercheurs selon lesquelles « nous sommes les contemporains de la sixième crise d’extinction des espèces ».

Son projet de décroissance ne faisant pas vraiment l’unanimité parmi la population, c’est seulement en jouant sur le registre de la peur qu’il peut espérer mobiliser les masses. Nous sommes entrés « dans les temps écocidaires », pires que « l’insupportable époque des génocides de masse, Rwanda compris », annonce-t-il. Et en refusant de ratifier le protocole de Kyoto, « nos chers amis américains préparent dans la bonne humeur un bel et grand Holocauste » !

Pour le militant écolo, tout événement météorologique qui sorte un peu de l’ordinaire peut être imputé au réchauffement climatique : « Même si rien ne prouve formellement que les pluies folles de cette année [2001] soient l’effet du réchauffement de la planète, les indices ne manquent pas d’un lien possible entre l’un et l’autre. »

Et les bouleversements iront en s’aggravant, avertit-il dans la revue Politis du 19 avril 2001 : « N’oublions pas que certaines projections, pas moins sérieuses, prévoient l’imminence d’un nouvel âge glaciaire sur l’Europe, pour cause de disparition ou d’atténuation du Gulf Stream ! »

Ce qui ne l’empêche pas d’affirmer, quelques mois plus tard, que le réchauffement climatique pourrait subitement devenir une bénédiction. Citant un article du magazine New Scientist, il déclare qu’« au Sahel, le désert recule, et certains paysans, qui avaient fui la région, sont revenus s’y installer ». « Peut-être s’agit-il – qui sait ? – de l’un des effets paradoxaux attendus du dérèglement climatique en cours », s’interroge-t-il, avant de conclure, bien doctement : « Attendons, et prions que cela dure. »