Rien de neuf sous le soleil

Pesticides – Révélations sur un scandale français ou quand deux militants écologistes s’adonnent à la théorie du complot

Complot n.m. Manœuvres secrètes concertées (Pour nuire à qqn, qqch.).

Conspiration n.f. Entente dirigée contre qqn ou qqch.

(Petit Robert 2007.)

Si vous êtes amateur de la théorie du complot, que vous avez en DVD la collection complète des X-files et que vous avez dévoré le livre Da Vinci Code, il ne fait pas de doute que vous allez adorer Pesticides – Révélations sur un scandale français. D’ailleurs, les auteurs, Fabrice Nicolino et François Veillerette, annoncent la couleur dans les premières pages du livre : « Mettez-vous dans l’ambiance X-Files. Oui, cette série de science-fiction où d’incroyables phénomènes se produisent à chaque seconde ou presque – où tout devient possible. Un leitmotiv court au long des épisodes : “La vérité est ailleurs”. Comme c’est exact ! » Et dans le livre de Nicolino et Veillerette, un leitmotiv court au long des chapitres : un obscur lobby (celui des pesticides) « [a] fait main basse sur la totalité des centres de décision à partir de 1945 ». En effet, page après page, le terme « lobby » revient de façon obsessionnelle : il y a le « fondateur du lobby », « l’homme du lobby », « l’organe du lobby », « le grand manitou du lobby », etc. Habilement, les auteurs multiplient tous les clichés des théories conspirationnistes utilisés autrefois contre les francs-maçons, les juifs ou les jésuites, évidemment dans un autre contexte et à d’autres fins idéologiques.

D’abord, il s’agit d’une force occulte« une méta-entreprise » – qui forcément avance masquée : « Sachez pour commencer que le lobby se drape. […] Mais pourquoi diable ? Peut-être parce qu’il y aurait des choses à cacher ? Gardons en main cette audacieuse hypothèse. »

Le lobby est sournois : « des lobbyistes astucieux, redoutablement efficaces », « on retrouve l’archétype des ruses successives du lobby des pesticides. Il s’agit de tenir, de circonvenir, d’étouffer. Et d’acheter ? » (prudents, ils rajoutent : « Nous ne le savons pas. »)

Le lobby s’infiltre partout : il va « s’emparer en dix années de tous les leviers de pouvoirs, de tous les centres de décision », « il faudrait un autre livre pour évoquer le travail d’infiltration des lobbies industriels dans l’OMS, experts compris », « l’industrie a pénétré jusqu’au cœur des services d’un Etat »,« Voilà l’essence du lobby, sa pure quintessence : l’administration publique d’un grand pays agricole, dûment cornaquée, incite les paysans à acheter et utiliser des produits industriels. »

De plus, le lobby est riche : « le siège de l’UIPP est non seulement cossu, mais de bon goût. Et la zone alentour […] ne semble qu’assez peu connaître la misère et les privations. » Au cas où vous n’auriez pas compris, les auteurs parlent deux pages plus loin de « son (somptueux) local ».

Le lobby corrompt : « L’INRA par exemple […], se compromet lui aussi, sans façon, avec le lobby », et les auteurs parlent de « certains laboratoires dévoyés » ainsi que « de journaux et officines stipendiés ».

Enfin, et de façon plus lamentable, Nicolino et Veillerette utilisent une image qui, depuis certaines années sombres de notre histoire, est associée aux pires travers de la propagande – celui de l’araignée qui tisse sa toile : « Le lobby des pesticides a visiblement choisi la stratégie de l’araignée. Tisser des toiles, relier des points, tenir l’espace », « L’araignée est un animal patient, qui sait ce que toile résistante veut dire. »