Philippe Desbrosses

L’agriculture biologique, sinon rien

Derrière le pragmatisme de Philippe Desbrosses, on trouve aussi une approche radicale et sectaire puisqu’il est l’un des principaux fondateurs du collectif Objectif Bio qui entend « agir par tous moyens légaux pour représenter et promouvoir, en France, en Europe et à l’international, la filière biologique agricole et alimentaire française, afin de permettre le passage dans les meilleures conditions possibles à une agriculture 100% biologique sur l’ensemble du territoire français, dans la perspective de protéger l’environnement, l’alimentation et la santé ». Avec cette ligne radicale, on trouve naturellement dans Objectif Bio des personnalités radicales comme François Veillerette du MDRGF, Guy Kastler de Nature & Progrès et Jean-Michel Florin du Mouvement de culture biodynamique, adepte de Rudolf Steiner. Plus étonnant, c’est de voir que Philippe Desbrosses a aussi entraîné au sein d’Objectif Bio des structures comme la Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB), Biocoop, le Synabio ou Ecocert, dont leur mission est certes de promouvoir l’agriculture biologique mais pas, a priori, de supprimer totalement l’agriculture conventionnelle.

Dans le même esprit, Objectif Bio avait envoyé en octobre 2006 un questionnaire à un grand nombre d’élus, questionnaire avec un intitulé assez suggestif : « Pour la fin du modèle dominant existant ». Et pour que les élus répondent correctement, certains éléments de réponses étaient joints en annexe du questionnaire avec des affirmations pour le moins discutables telles que « grâce aux nombreuses études épidémiologiques et toxicologiques, on mesure aujourd’hui les conséquences négatives des produits phytosanitaires sur la santé et l’environnement. La réduction de l’utilisation des pesticides de synthèse doit donc devenir une priorité de santé publique », ou encore « il est aujourd’hui avéré que la coexistence entre agriculture transgénique et autres formes d’agriculture est impossible ».

En ce qui concerne la faisabilité d’une agriculture 100 % bio, Philippe Desbrosses s’appuie en particulier sur une analyse de Jean-Marc Jancovici, également membre du comité de veille scientifique de la Fondation Nicolas Hulot, intitulée « La planète entière pourrait-elle manger bio ? » dans laquelle il est expliqué que si l’Occident réduisait sa consommation de viande, il serait possible de nourrir la planète avec seulement du bio. Autre aspect mis en avant par Philippe Desbrosses, c’est la souveraineté alimentaire qui doit absolument être assurée au niveau local et régional. Cela a été par exemple le thème d’une conférence organisée en 2006 par le président d’Intelligence Verte, précisant que « consommer une alimentation écologiquement et socialement responsable transformée au plus près de son lieu de production est une simple règle de bon sens mais aussi une priorité d’ordre international vis-à-vis de la problématique du réchauffement climatique. » Et Philippe Desbrosses de se plaindre que « nos terroirs produisent de moins en moins, et quand ils produisent, c’est pour l’export ». Toutefois, il semble avoir quelques difficultés à convaincre de cela ses amis proches, comme Jean Verdier, président du Synabio, PDG de la société Naturgie (distributeur exclusif des produits « Michel Montignac ») et principal administrateur de la société de Philippe Desbrosses – Sainte Marthe Développement. En effet, Jean Verdier a créé une filiale aux Etats-Unis et une marque « Cuisine de campagne : Authentic Provence TM », distribuée essentiellement dans les quartiers huppés de Beverly Hills, en Californie, ou à Brooklyn, à New York. Ainsi, l’ami de Philippe Desbrosses vend aux Californiens de l’authentique ratatouille bio confectionnée à 10.000 kilomètres de là, en Provence. Bref, on est loin de l’écorégion !

Cette défense d’une agriculture 100% bio s’accompagne enfin d’une certaine nostalgie de Philippe Desbrosses pour le « bon vieux temps », évoquant même un retour à la traction animale : « Il est paradoxal de voir combien notre société multiplie et encourage l’usage du cheval pour l’équitation et les loisirs, et se refuse à en faire l’auxiliaire idéal qu’il a toujours été pour certains travaux agricoles. Pourquoi ne pas joindre l’utile à l’agréable ? »