Agriculture : l’insoluble équation du bio

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Produire autant (voire plus) afin de nourrir une population en augmentation, produire local, produire sur de petites exploitations (plus de 100 vaches dans un élevage, c’est déjà l’enfer), se passer de solutions phytosanitaires, faire pousser des plantes sans irrigation, etc. Telle est l’équation posée par les mouvements écologistes à laquelle s’ajoutent les autres variables propres aux consommateurs : pouvoir manger de tout, à n’importe quel moment, à un prix raisonnable, et sans intoxication alimentaire…

Equation impossible… sauf pour les écologistes qui ont LA solution : l’agriculture biologique. Le modèle est « vertueux » et « indépassable » par excellence dans la mesure où il ne polluerait pas les sols, n’aurait pas d’impact négatif sur le changement climatique, permettrait aux Hommes de se nourrir bien plus sainement avec notamment une valeur nutritionnelle décuplée au passage, pour pas cher. Un Eden qui serait accessible si on s’en donne les moyens.

Pourtant, tous ces mythes ont savamment été créés par l’industrie du bio.

Parmi les mythes fondateurs, celui d’une agriculture biologique qui n’a pas recours aux pesticides occupe une place de choix. Le « bio » utilise bien des pesticides – certes naturels – et veille surtout à ne pas trop communiquer sur ceux qui soulèvent le plus de questions en termes de santé publique (sulfate de cuivre, soufre, etc.). Il faut en effet préserver l’image de productions forcément plus saines et nutritives, et non exposées à des produits potentiellement risqués. Aucune étude sérieuse sur le plan scientifique n’a pu étayer l’idée d’aliments plus sains comme vient de le rappeler la journaliste Géraldine Woessner. Pire, consommer bio expose à un risque accru de mycotoxines. En 2011, des graines germées bio issues d’une ferme allemande avaient provoqué le décès de 33 personnes et intoxiqué plus de 1 000 autres en Europe. L’agriculture biologique n’offre aucune garantie supplémentaire contre les intoxications, bien au contraire.

Autre mythe qui fait fi de la réalité : le bio serait bien plus respectueux de l’environnement avec des ressources naturelles moins mobilisées. Les agriculteurs sont souvent accusés par les écologistes d’utiliser trop les ressources en eau. Une attaque qui peut avoir un certain écho à l’heure où les épisodes de sécheresse se multiplient. Or, l’agriculture biologique consomme autant d’eau que l’agriculture conventionnelle et les projets pour permettre un accès à l’eau sont farouchement combattus par les écologistes. Des combats ubuesques qui laissent sur la paille des agriculteurs… bios comme à Sivens où le projet de barrage mort-né a eu raison de l’agriculture locale.

3e mythe : on peut faire du bio sur moins ou autant d’espace que le conventionnel. C’est pourtant mathématique : les rendements moins élevés en agriculture biologique obligent à produire sur des surfaces plus grandes pour compenser. A moins que l’équation écologiste ne soit pas essence malthusienne… Avec des différences de rendements entre bio et conventionnel – variables selon les filières mais toujours significatives (-40 % pour le blé bio) – il devient difficile de répondre à l’enjeu essentiel de la sécurité alimentaire d’autant plus que les surfaces agricoles utiles (SAU) ont plutôt tendance à décroître…

Malgré la crise du secteur, les produits estampillés bio sont toujours aussi chers. Comment le faire admettre aux ménages et surtout comment pourront-ils encore se nourrir alors que l’inflation actuelle met déjà gravement à mal leur pouvoir d’achat ? L’agriculture biologique ne peut pas remplacer l’agriculture conventionnelle sans passer par un ajustement douloureux des prix pour les consommateurs. Notre agriculture a permis une massification qui permet de nourrir tout le monde à un coût économique raisonnable. Sortir de ce modèle signifierait l’impossibilité pour une partie importante de la population de se nourrir à sa faim n’en déplaise aux tenants des circuits courts qui imaginent que la proximité géographique (impossible pour tous) avec les producteurs permettra de nourrir toute la population.

Passer au modèle tout bio proposé par les écologistes n’est donc pas tenable. Faire toujours plus avec toujours moins est une équation…décidément insoluble.

3 commentaires sur “Agriculture : l’insoluble équation du bio

  1. « Faire toujours plus avec toujours moins est une équation…décidément insoluble. »
    Moi, je dirais plutôt que le bio c’est faire moins avec plus (de terres, de main d’oeuvre…).
    La productivité, le modèle « productiviste » est tout de même combattu plus ou moins ouvertement. Sandrine Rousseau étant la plus claire avec son « choc de productivité négatif ».

    Sinon, je croyais que pour le blé panifiable le rendement en bio baissait de bien plus que 40%.

    1. L’écart moyen est effectivement bien plus grand en France selon un graphique célèbre de l’Académie d’Agriculture de France.

      https://www.academie-agriculture.fr/sites/default/files/publications/encyclopedie/01.06.r03_ble_tendre_hiver_rendt_ab_et_moyenne.pdf

      Je pense qu’il y a une composante géographique (à vérifier) dans cet écart. On peut penser que le blé bio est davantage produit dans des régions moins productives.

      Des chiffres pour l’Allemagne :

      https://seppi.over-blog.com/2022/06/rendements-en-agriculture-biologique-et-conventionnelle-en-allemagne.html

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