Idée reçue n°1 : L’agriculture biologique n’utilise pas de pesticides

Partager sur : TwitterFacebook

Faites un sondage autour de vous, il est à parier que 95 % des répondants associeront « bio » à l’absence de recours aux « pesticides » par les agriculteurs. Cette idée reçue est bien ancrée, car entretenue par un lobby du bio actif, et trouvant un certain écho dans une partie des médias à l’image de la presse féminine,  Femme Actuelle et Madame Figaro étant de bons exemples. Or, aucune production destinée à faire vivre son producteur ne peut se passer de produits phytosanitaires, c’est-à-dire de pesticides. Et oui, contrairement aux idées reçues, les ravageurs et maladies ne s’arrêtent pas aux portes des champs bio…

Naturels / chimiques : une différence pas évidente…

Qu’ils soient dits « naturels » pour l’agriculture biologique ou « de synthèse » dans le cadre de l’agriculture conventionnelle, les pesticides sont absolument indispensables. Par « naturel », il faut comprendre des molécules présentes à l’état naturel et qui n’ont pas été développées en laboratoire. L’agriculture biologique dispose ainsi de plusieurs dizaines de substances « naturelles » homologuées.  Ça c’est la théorie, parce qu’en pratique, c’est bien sûr plus compliqué. Dans les faits, les substances homologuées en bio sont souvent élaborées par les mêmes entreprises qui développent et commercialisent les pesticides dits « de synthèse ». Tout simplement parce que trouver ces substances dans la nature est presque impossible, à l’exemple du sulfate de cuivre, la bonne vieille « bouillie bordelaise ».

Des substances « naturelles » loin d’avoir des effets anodins

« Naturel » ne signifie pas sans risque. Les pesticides utilisés par les producteurs bio sont eux aussi soumis à des autorisations de mise sur le marché et à un encadrement très strict notamment en termes de dosage.

Le cuivre, principal fongicide utilisé en agriculture biologique, a vu par exemple son autorisation renouvelée fin 2018 pour une durée de sept ans. Cependant, les quantités de cuivre autorisées ont été réduites de 6 kg/ha/an à 4 kg/ha/an avec un lissage sur sept ans. Autrement dit, son usage par les agriculteurs ne peut pas excéder 28kg/ha sur un septennat (avec des variations possibles d’une année à l’autre).

Autre exemple de pesticide « bio » pas anodin pour la faune, la flore et l’Etre humain : le Neemazal, un insecticide d’origine végétale. Sa substance active, l’azadirachtine issu du margousier (arbre qu’on retrouve sous les climats tropicaux et semi-tropicaux) est connue pour sa toxicité pour les pollinisateurs et ses effets de « perturbation endocrinienne ». En France, son usage est soumis à des demandes de dérogations que doivent solliciter les filières chaque année

Dernier exemple bien connue : la roténone. Cette molécule issue de racines de plantes tropicales a été utilisée comme insecticide en agriculture biologique pendant des décennies. Or, d’après de nombreuses études, son usage est associé à un risque multiplié par 2,5 de développer la maladie de Parkinson. Son usage a été interdit à partir de 2009.

Une caricature du bio et du conventionnel savamment entretenue par le lobby du bio

Les molécules naturelles ne sont sans risque. Cette réalité rarement mise en avant vient percuter l’image caricaturale entretenue par le lobby du bio. Des agriculteurs jeunes (pardon des « paysans »), cultivant de petites surfaces, « sans recours aux pesticides » et vendant leurs récoltes dans les AMAP. L’image d’Epinal est séduisante, mais tout aussi fausse que celle d’une agriculture conventionnelle de plus en plus inhumaine et vouée à polluer l’environnement.

Au-delà de ces murs artificiels, la réalité est bien plus complexe : beaucoup d’agriculteurs conventionnels font aussi du bio. Les pratiques mises en place pour un mode de culture peuvent l’être aussi pour l’autre. Les méthodes de biocontrôle (ex. : confusion sexuelle) qui permettent une moindre utilisation des produits phytosanitaires sont par exemple utilisées dans les deux modèles.

Les producteurs savent gérer le risque

Qu’elle soit utilisée en bio ou en conventionnel, chaque substance phytosanitaire représente un danger, à l’image d’ailleurs de nos médicaments. L’enjeu est de gérer le risque, c’est-à-dire d’utiliser ces substances quand il le faut, à la bonne dose, et suivant des bonnes pratiques… ce que savent parfaitement faire nos producteurs. Tous les rapports des autorités sanitaires européennes (EFSA) et française (ANSES) le disent et le redisent : nos productions agricoles n’ont jamais été aussi saines.

2 commentaires sur “Idée reçue n°1 : L’agriculture biologique n’utilise pas de pesticides

  1. « Au-delà de ces murs artificiels, la réalité est bien plus complexe : beaucoup d’agriculteurs conventionnels font aussi du bio. Les pratiques mises en place pour un mode de culture peuvent l’être aussi pour l’autre. »

    Ben… c’est que certaines pratiques en conventionnel ne peuvent pas être mises en oeuvre — ou difficilement — en bio.

    Le plus préoccupant st peut-être l’agriculture de conservation des sols.

    1. Tout a fait d’accord!
      Mais L’ACS (agriculture de conservation des sols) à tellement d’intérêt vis à vis de la biodiversité qu’elle favorise dans les cultures(surtout celle dite biodiversité fonctionnelle) que de nombreux agriculteurs bio essaient de la copier/transférer/adapter en bio avec la contrainte de son cahier des charges (toujours anti sciences et illogique ).
      Le plus dingue étant que si il y a 20 ans on avait une légère baisse des rdt, (pas des marges net /ha au contraire), maintenant non seulement il n’y a plus de baisse mais on a même des déplafonnements de rdt réellement surprenant dans certaines situations…..
      J’ai une trentaine d’agriculteurs bio qui ce lancent dans un cycle de formations sur un an pour cela…
      Laissons les faire et je suis certain qu’ils vont avancer !
      Bon ils seront toujours limité par la fertilisation et l’impossibilité d’utiliser des désherbants totaux comme le glyphosate .. Restons ouvert…

Les commentaires sont fermés.