Idée reçue n°5 : les pesticides tuent les abeilles (et la faune en général)

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Depuis plusieurs années, il est impossible d’évoquer les abeilles sans entendre parler de la surmortalité qui les frappe. Le grand public, conscient de l’importance de ces insectes dans les équilibres écologiques, s’émeut d’apprendre qu’elles mourraient en nombre à cause des… pesticides. Une cause de mortalité fixement indiquée par des écologistes, qui fait pourtant fi d’une réalité beaucoup plus complexe.

ONG, apiculteurs et grands médias se donnent souvent la main pour dénoncer les effets dévastateurs qu’auraient les pesticides sur les colonies d’abeilles. Un cri commun qui ne peut toutefois cacher la réalité scientifique. Oui, il y a des surmortalités dues à des pesticides. Non, ils ne sont pas les seuls responsables et leurs effets s’inscrivent dans un contexte plus large où les abeilles doivent faire face à de multiples menaces parfois venues des apiculteurs eux-mêmes.

Une surmortalité aux causes multiples

Depuis la fin des années 1990, la mortalité des abeilles a atteint des chiffres alarmants (jusqu’à environ 30 % en 2018), à tel point que l’on parle désormais de surmortalité. Des ruchers entiers sont parfois perdus malgré les soins prodigués par les apiculteurs. Ainsi, la production de miel en France aurait diminué de 50 % au cours des vingt dernières années. Les pesticides comme seuls responsables de cette effroyable évolution ? Gilles Salvat, directeur général délégué chargé de la santé et du bien-être des animaux à l’Anses (Agence Nationale Sécurité Sanitaire Alimentaire Nationale) répond explicitement à cette question : « Le phénomène de mortalité des abeilles est multifactoriel, ce qui rend d’autant plus difficile son étude et sa prévention ».

Les études scientifiques n’étant pas trop la tasse de thé des écologistes, il faut donc s’employer à rétablir quelques faits à défaut d’avoir toutes les réponses. L’ANSES a répertorié pas moins de 29 sources de mortalité connues chez les abeilles. Prédateurs, parasites, champignons, bactéries et virus : les dangers sont multiples et peuvent se conjuguer avec des conséquences très lourdes pour les ruches. Colonies affaiblies, voire perdues, les abeilles souffrent de maux multiples peu connues du grand public à l’image du varroa, une espèce d’acariens parasites de l’abeille (et de ses larves) originaire d’Asie. L’abeille domestique européenne ne résiste pas aux attaques de varroa et seuls des traitements entamés peu de temps après son apparition dans la ruche permet de sauver la colonie. Moins destructeur en nombre, mais dangereux et spectaculaire, le frelon asiatique est une menace qui n’existait pas pour l’abeille avant son apparition en France en 2004.

Les pesticides comme seuls responsables selon les écologistes

Sources directes ou indirectes du décès des abeilles, les « pesticides » sont pointés du doigt par les écologistes quand bien même seuls quelques-uns d’entre eux jouent un rôle prouvé dans la surmortalité des abeilles et sont progressivement retirés du marché. La chasse aux pesticides est souvent menée tambour battant par les écologistes sans réel fondement scientifique. Sous leur pression, le Gaucho avait été interdit, car supposément très nocif pour les abeilles. Or, plusieurs décisions de justice ont innocenté cet insecticide avec un point final mis par la cour de Cassation en janvier 2017. Une remise à l’endroit judiciaire et scientifique qui n’a pas refroidi les lobbies anti-produits phytosanitaires. Déjà vainqueurs au poing sur le plan médiatique, ils ont pu donner, un temps, l’illusion que les abeilles connaitraient des lendemains radieux sans un insecticide pourtant sans danger quand utilisé correctement et selon les normes établies par les autorités sanitaires…

Le Gaucho a pour grave faute morale, selon les écologistes, d’appartenir à la famille des substances néonicotinoïdes. Une famille honnie par les ONG pour ses « sévères effets négatifs sur les espèces non-cibles qui fournissent des services écosystémiques incluant la pollinisation et la lutte intégrée ». Une critique de l’Anses reprise par les écologistes qui oublient toujours les conclusions de l’Agence : « il existe toujours un manque de connaissances concernant l’impact des néonicotinoïdes sur les abeilles ».

Il existe donc des coupables idéals accusés à tort et souvent sans preuve, mais dont les ravages supposés sont bien mis en évidence dans des articles à charge. Ainsi, on va dénombrer des centaines de milliers d’abeilles mortes d’une exposition (réelle ou fantasmée) à un pesticide sans préciser qu’une ruche contient plus de 50 000 abeilles en moyenne. On joue avec les émotions et les chiffres sans se soucier de la réalité du terrain alors qu’il faut se pencher sérieusement sur l’exposition chronique aux produits phytosanitaires. Une tâche longue et ardue qui revient à des autorités sanitaires pointilleuses, mais qui n’enthousiasme guère des ONG avides de buzz.

Changement climatique et biodiversité en péril comme principaux maux

La raison principale de la surmortalité des abeilles reste peut-être à explorer. Il s’agit de l’appauvrissement des sources d’alimentation. Les abeilles ont besoin d’une nourriture abondante et de qualité. Les abeilles privilégient certaines plantes riches en pollen ou nectar, mais ont de plus en plus de difficulté à les trouver en raison de la baisse de la biodiversité. On assiste également à un raccourcissement de la période pendant laquelle diverses plantes mellifères en fleurs sont disponibles. Une plante mellifère sécrète du nectar ou du miellat, substances à partir desquelles l’abeille fait son miel. Cette rareté de plus en plus marquée contribue à la dégradation de l’état de santé des abeilles. Des abeilles plus fragiles et donc plus susceptibles de tomber sous les coups des parasites et autres menaces évoquées précédemment.

Le changement climatique met également à mal les colonies d’abeilles. Les grosses chaleurs, par exemple, ont tendance à diminuer le nombre de pollinisateurs et leur travail se fait à un rythme plus réduit. Les hivers de plus en plus doux peuvent aussi expliquer une surmortalité inquiétante. Une expérimentation dans laquelle des ruches ont été placées dans des conditions hivernales normales (moins de 12°C) montre une forte diminution de la mortalité.

Par ailleurs, les abeilles domestiques sont parfois victimes des apiculteurs. Ils ne sont que 3 % (soit environ 2 000) à être professionnels en France. Cet engouement pour l’apiculture est une chance, mais tous les propriétaires de ruches ne manipulent pas toujours correctement leurs colonies. Le diagnostic de maladies ne sont pas forcément faits dans les temps et les traitements administrés pas toujours recommandés pour les abeilles elles-mêmes. Faute de connaissances assez poussées, certains apiculteurs contribuent – à leur insu – à la surmortalité de leurs petites protégées.

Enfin, l’Anses rappelle que de nombreux cas de mortalité ont aucune origine déterminée. La science, en l’état actuel, n’a pas toutes les réponses et ne peut donc pas penser des méthodes et gestes susceptibles de préserver les colonies d’abeilles. Le fait que les abeilles évoluent dans un environnement entièrement ouvert explique en partie cette difficulté. Cause(s) simple ou multiples, il est souvent difficile de déterminer avec certitude la mortalité des abeilles. La vigilance est donc de mise, car tout mettre sur le compte des produits phytosanitaires, c’est faire le choix de nier les autres et nombreuses causes de mortalité des abeilles. Pour régler les problèmes, il faut commencer par les identifier et les nommer…