Les entreprises semencières engagées dans les biotechnologies ont un intérêt commercial à développer des plantes génétiquement modifiées. C’est plutôt normal car elles ne sont pas des sociétés philanthropiques. Toutefois, l’opposition aux OGM peut, elle aussi, s’inscrire dans une logique d’intérêt commercial. Ainsi, le Groupe Carrefour, qui pèse 101 milliards d’euros de chiffre d’affaires, trouve que les campagnes anti-OGM lui ont été très profitables. En effet, pendant que les militants anti-OGM suscitaient le doute auprès consommateurs à propos des OGM, Carrefour a décidé de valoriser les produits « sans OGM » avec un étiquetage approprié. Comme l’explique un article du Monde : « Carrefour en a fait un argument marketing depuis octobre 2010 : près de 300 produits à la marque distributeur sont étiquetés d’un rond vert avec la mention « nourri sans OGM ». « Nous avons constaté une progression des ventes plus significative sur les oeufs, le veau et le jambon », affirme Sandrine Mercier, directeur du développement durable de Carrefour France. » Merci, les militants anti-OGM !
Mais cette stratégie de Carrefour ne date pas d’aujourd’hui. Le journaliste agricole Gil Rivière-Wekstein a mené une enquête à ce sujet (publiée en avril 2011) dans laquelle il montre que la Directrice prévention santé, sécurité, environnement de Carrefour, Chantal Jaquet, a cofondé en 1999 avec Corinne Lepage une association anti-OGM baptisée CRIIGEN. Corinne Lepage reconnaît que « les premières études commandées par Carrefour qui souhaitait, sous l’impulsion de Chantal Jaquet, se doter d’une filière sans OGM, arrivent, et le CRIIGEN se développe au-delà de toute espérance, en particulier grâce au travail colossal de Gilles-Éric Séralini, qui lance des études à la fois sur les pesticides et sur les OGM ». Gil Rivière-Wekstein a raison de soulever le rôle capital de Chantal Jacquet et donc du CRIIGEN dans la stratégie anti-OGM du Groupe Carrefour ; il aurait pu y ajouter celui d’autres membres du conseil scientifique du CRIIGEN, notamment Jacques Estienne, professeur de chimie analytique à la faculté d’Aix-Marseille, qui a été employé pendant plus de 25 ans au service Qualité de Carrefour. Consultant, Jacques Estienne avait notamment pour tâche d’analyser les aliments afin de s’assurer qu’ils ne contiennent pas d’OGM. En 2001, il confiait : « J’aime travailler dans le concret et Carrefour me donne la possibilité de réaliser mes rêves. » Et le CRIIGEN pourrait en dire autant.
Il serait cependant tout à fait réducteur de présenter le CRIIGEN comme une sorte de succursale de Carrefour. En effet, le CRIIGEN profite aussi de la générosité de l’association CERES, créée en 2007 par Gérard Mulliez, fondateur et président du comité stratégique du groupe Auchan, et deuxième plus grande fortune professionnelle de France (19 milliards d’euros en 2010). Il était d’ailleurs logique que le CRIIGEN rencontre CERES puisque leurs approches sont convergentes. Gérard Mulliez explique ainsi qu’il veut « des recherches indépendantes et transparentes. Les études publiées jusqu’ici n’ont pas été développées suffisamment longtemps, et elles sont partiellement diffusées et souvent financées, si ce n’est réalisées, par les industriels et les distributeurs d’OGM. Leur puissance de lobbying est énorme. » (La dernière réflexion est savoureuse dans la bouche d’un des leaders de la grande distribution…) En 2008, Jean-Pierre Blanc, directeur général des Cafés Malongo et vice-président de CERES, confie qu’ils ont décidé de financer une étude sur la toxicité des OGM et qu’à l’époque ils avaient déjà récolté 200.000 euros et il leur restait à trouver 600.000 euros. Gageons qu’ils ont trouvé depuis les financements manquants…
Le CRIIGEN ne compte pas s’arrêter là. Il voit plus grand. Dans un communiqué du 15 novembre, il dénonçait l’absence d’indépendance de l’EFSA (Agence européenne de sécurité alimentaire) car « il a été montré que de nombreux membres et dirigeants du panel OGM ont des liens directs avec l’industrie semencière ». En conséquence, l’association anti-OGM propose « qu’une expertise contradictoire de chaque dossier, par des organismes indépendants des producteurs d’OGM tels que le CRIIGEN, soit systématiquement organisée en Europe et en France ». Autrement dit, le CRIIGEN aimerait rafler le marché de la contre-expertise OGM en France et en Europe ! Et tout ça par philanthropie, on n’en doute pas !
Sources
« Biotechnologie : Carrefour et José Bové, même combat ? », Agriculture & Environnement, n°91, avril 2011.
Ils sont pas indépendants, alors ? Je tombe de haut ! Je n’en cois pas mes oreilles !
« La dernière réflexion est savoureuse dans la bouche d’un des leaders de la grande distribution… » Pas mieux, c’est effectivement sidérant de voir ces groupes pesants à eux seul deux fois le marché mondial des semences parler de lobbying.
« Jacques Estienne, professeur de chimie analytique à la faculté d’Aix-Marseille, a pourtant connu des échecs.
Certaines de ses inventions, comme l’éponge à poussière, firent un bide.
D’autres travaux n’ont pas abouti. Le sac biodégradable qu’il a tenté de mettre au point ne s’est jamais dégradé.
Et sa machine à laver à micro-ondes s’est révélée plus gourmande en énergie que les machines classiques… et incapable de laver !
Mais l’œuf daté et le lait de montagne, deux inventions de son équipe aujourd’hui dans bon nombre d’enseignes, le remplissent de fierté. »
On est prié de ne pas rigoler!!! 😆
« Autrement dit, le CRIIGEN aimerait rafler le marché de la contre-expertise OGM en France et en Europe ! Et tout ça par philanthropie, on n’en doute pas ! »
Ben oui Mme Lepage fait parti du comité de parrainage de l’assoc’ Anticor, comprendre « anti-corruption » des élus et politiques de tous bords, ce qui n’est pas à première vue critiquable, mais ça sonne un peu faux tout de même…
http://anticor.org/qui-sommes-nous/
Je suis d’accord avec vous pour donner ma préférence aux produits OGM. Le problème c’est qu’un produit qui n’est pas garanti « sans OGM » n’est pas pour autant garanti OGM !
Réclamons un label « Garanti OGM » !