Le business des labels : le cas de la protection des forêts tropicales
Pour bien saisir la façon dont le WWF opère, il est intéressant de se pencher sur sa campagne pour sauver les forêts tropicales. Dans les années 80, le WWF, avec Greenpeace et les Amis de la Terre, ont lancé un appel au boycottage des bois tropicaux, demandant aux consommateurs de refuser d’acheter tous bois provenant de la forêt « vierge ». Mais comme l’a reconnu lui-même le WWF, « les appels au boycott des années 80 n’ont pas réussi à stopper la destruction des forêts. Ils ont même pu avoir des effets pervers, comme la conversion des forêts en surfaces agricoles, celles-ci ayant perdu leur valeur économique. » Dans les années 90, le WWF change de stratégie. Toujours soutenu par d’autres grandes ONG écologistes, le WWF se lance dans l’écocertification en créant en 1993 le Forest Stewardship Council (FSC). Comme l’explique Marie-Claude Smouts, chercheur au CNRS et auteur d’une étude approfondie sur le sujet, « cette émanation du WWF réussit le tour de force de s’autoproclamer le seul système d’écocertification “crédible” au monde dans le domaine forestier et d’en persuader nombre de décideurs sur la scène internationale. » Le but de la FSC est de soutenir une gestion des forêts « économiquement viable, socialement avantageuse et écologiquement responsable ». De la sorte, le WWF, à travers le FSC, devient un acteur incontournable dans le marché du bois. Marie-Claude Smouts précise que le FSC « tient tous les maillons de la chaîne : il édicte les normes, il contrôle les évaluateurs, il octroie son label, il touche de l’argent en retour. La certification est, en effet, payante. » Outre la rémunération qu’elle tire de la certification, le FSC est financé par des aides gouvernementales, par de grandes fondations américaines, par la Commission européenne, etc.
Derrière ce business lucratif de label, peut-on observer une amélioration des forêts tropicales ? Pas vraiment. En effet, en 2001, plus de 90 % des forêts certifiées FSC sont des forêts tempérées et boréales. En 2007, sur les 88 millions d’hectares certifiés, la proportion est d’environ 85 %. Marie-Claude Smouts conclut : « Si vous tenez à avoir du bois certifié FSC, vous achèterez des bois scandinaves, est-européens et nord-américains, vous n’achèterez pas de bois tropicaux. Si ce n’est pas du boycottage, cela y ressemble assez. » Et faire croire au consommateur qu’il protège la forêt tropicale en achetant du bois certifié relève presque de l’imposture. En effet, Marie-Claude Smouts précise que « l’avenir des forêts naturelle dépend de bien d’autres choses que de la consommation occidentale », puisque si la totalité des marchés européens et américains exigeaient des bois certifiés, la superficie de forêts tropicales concernée serait de 13,2 millions d’hectares, soit à peine 0,75 % du total. En attendant, le WWF vend de la « bonne conscience écologique » aux consommateurs et des arguments marketing aux vendeurs de bois. Le WWF a créé dans différents pays des « groupes d’acheteurs » regroupant importateurs, négociants, chaînes de bricolage, fabricants de meubles, parmi lesquels Ikea, Lapeyre, Castorama, etc. Tout le monde y trouve son compte. Les magasins de bois utilisent la certification comme argument de vente dans un contexte de concurrence, ils incitent leurs fournisseurs à faire certifier leur bois auprès du FSC, le FSC en retire de substantiels bénéfices et les écologistes voient leur action légitimée.
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