Le « lobby des citoyens »
La FSC fait le constat qu’aujourd’hui « la capacité à produire de l’expertise et de la recherche est largement cantonnée aux firmes privées et aux organismes d’Etats. Or avec les lobbyings qui s’exercent sur l’expertise et la régulation publique des risques, avec le reflux de l’Etat entrepreneur de science, et la marchandisation croissante des connaissances, l’Etat n’est plus toujours une garantie suffisante pour assurer une recherche et une expertise d’intérêt général ». D’où l’idée d’avoir ce qu’ils appellent un « tiers secteur scientifique » afin d’accroître « les capacités de recherche et d’expertise de la société civile, des forces associatives, consuméristes, syndicales et citoyennes ». D’une certaine manière, c’est ce que Jacques Testart appelle le « lobby des citoyens ». Toutefois, il ne s’agit pas, pour eux, d’un dispositif de consultation complémentaire mais d’un outil d’opposition à l’Etat et aux pouvoirs publics. André Cicolella, l’un des principaux animateurs de la FSC et par ailleurs responsable du programme Santé des Verts, affirme ainsi que « nous avons besoin de développer et d’organiser une expertise à partir du mouvement citoyen, pour nous opposer aux travaux et aux expertises des pouvoirs publics ». Il ajoute : « Nous devons opérer une critique des sciences productivistes essentiellement tournées sur l’obtention économique de résultats. » Matthieu Calame, fils de Pierre Calame, le patron de la Fondation pour le progrès de l’homme (FPH), est l’une des personnes qui chapeaute une partie des orientations de Sciences Citoyennes. Or celui-ci déclarait en 2000 qu’il fallait s’inspirer des jurys populaires pour tout ce qui touche aux choix scientifiques : « La conférence de citoyens s’inspire directement de la tradition judiciaire. Dans le cas de la France, les jurys d’assises jugent les délits graves et dans ce genre de procédure, il est interdit de faire appel de la décision du jury. On peut faire remarquer qu’à l’évidence un jury peut se tromper, il n’en reste pas moins que nous avons bien là dans les principes fondamentaux de notre démocratie la reconnaissance de la légitimité reconnue à un petit groupe issu du peuple par des moyens non électifs de se prononcer au nom du peuple français. Il est donc aisément concevable que ce système voie son champ de compétence étendu pour décider de choix technologiques ou de questions de politique énergétique. » Il oublie néanmoins de préciser qu’en cas d’erreur judiciaire, seules quelques personnes risquent d’en être victimes, alors que les choix technologiques concernent la nation entière et les générations à venir. Et en cas d’erreur de choix technologique, qui devra rendre des comptes ?
On peut aussi ajouter que le modèle choisi par la FPH, quand celle-ci a décidé de créer la FSC, était l’association américaine « Union of Concerned Scientists ». Cette association s’est toujours distinguée des ONG écologistes en convainquant les médias que ses recommandations anti-industrielles reflétaient un consensus au sein de la communauté scientifique, ce qui est loin d’être le cas. Enfin, l’objectif de la FPH comme de la FSC est, comme cette dernière le décrit elle-même, de savoir « à quelles conditions les ONG peuvent-elles polariser et réorienter l’expertise et la recherche en France ? ». Comparant ces ONG à David et les grands instituts de recherche à Goliath, la FSC souligne qu’« il existe auprès de Goliath des chercheurs en phase avec David » et qu’il faudrait, « au-delà de ces sympathies individuelles », « construire une stratégie par laquelle David catalyserait la synergie de ces chercheurs sympathiques isolés pour faire monter des orientations alternatives au sein de Goliath ». Elle estime alors qu’il faut d’abord « créer les conditions institutionnelles pour que de tels partenariats soient équilibrés et de multiplier ces partenariats afin d’augmenter le nombre de «chercheurs sympathisants» chez Goliath (…) et d’y générer une masse critique susceptible de faire évoluer Goliath. » Plus que David et Goliath, cela fait plutôt penser à la stratégie du Cheval de Troie.
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