C’est en substance la question posée par Le Monde. Et la thèse de Robert Bell, président du département des sciences économiques de Brooklyn College à New York. Il prévient : « Des incitations fiscales couplées au comportement mimétique des marchés financiers peuvent conduire les investisseurs à créer une nouvelle bulle financière sur la green tech. »
Car nos gouvernants ont une nouvelle marotte : « les emplois verts ».
Le 22 juin dans son discours prononcé devant le Congrès, à Versailles, Nicolas Sarkozy promettait : « Je veux dire à ceux qui trouvaient que le Grenelle de l’environnement coûtait trop cher que c’est la dépense la plus rentable que l’on puisse imaginer. Elle va créer 600 000 emplois (sur la période 2009-2020, NDLR). »
En septembre 2008, juste avant son élection à la présidence américaine, Barack Obama avançait le chiffre de la création « rapide » de 5 millions d’ « emplois verts » aux Etats-Unis.
Même l’Organisation Internationale du Travail y allait de son couplet et promettait 20 millions d’ « emplois verts » en 2030.
Des prévisions qui rappellent celles formulées le 28 août 2000 par le cabinet américain Andersen Consulting qui prévoyait qu’en 2002, Internet aura créé 10 millions d’emplois aux Etats-Unis et en Europe. Un an plus tard, la bulle de la « Netéconomie » éclatait et les start-up licenciaient et disparaissaient…
Or, rappelle « le quotidien de référence », « la crise l’a amplement démontré : prévoir en économie est un exercice difficile. »
Difficile et exigeant. Il faut savoir que la promesse du president de la République trouve sa source dans les conclusions d’un rapport remis le 16 juin par le bureau parisien du Boston Consulting Group (BCG), cabinet international de conseil en stratégie, au ministre de l’écologie, Jean-Louis Borloo.
Avec des “si”…
Un rapport commandé et payé par le ministère de l’écologie, qui visait à valider (ou non) une étude d’impact réalisée en novembre 2008 par les services de M. Borloo, et qui tablait sur 535 000 emplois créés ou maintenus. Or, le BCG Paris, comme l’indique Emmanuel Nazarenko, directeur associé, a travaillé « très vite », car la demande du ministère lui est parvenue début juin. Sans prendre contact avec les professionnels des secteurs concernés (Fédération française du bâtiment, Fédération nationale des travaux publics…).
Du coup, le rapport ne convainc pas certains économistes. « Le BCG a surtout recensé les plus, mais pas les moins », juge Michel Didier, président de l’institut de conjoncture COE-Rexecode qui avoue ne pas connaître d’étude sérieuse des effets économiques des projets relatifs à l’environnement.
Par ailleurs, le BCG reconnaît ne pas avoir tenu compte des réajustements budgétaires des ménages. « Trop difficile », selon Emmanuel Nazarenko.
Or, “37 % des dépenses du Grenelle sont financées par l’Etat et les collectivités locales, rappelle Rémy Prud’homme, économiste, professeur émérite à l’université de Paris-XII. A moins de s’endetter indéfiniment, c’est autant d’impôts en plus. Le pouvoir d’achat des ménages va baisser, donc leur consommation, ce qui se traduira par des emplois en moins dans certains secteurs« . Il prévoit un transfert de consommation : « Les ménages qui vont consacrer de l’argent à la mise aux normes de leurs habitations réduiront leurs dépenses ailleurs car leurs revenus ne progressent pas. »
Sans oublier l’incertitude du prix du pétrole. Le BCG retient comme hypothèse un baril à 65 euros. S’il est inférieur à ce seuil, les ménages et les entreprises seront moins enclins à basculer sur les énergies vertes. S’il est supérieur, ce sera l’inverse.
Ou encore le prix de l’électricité. « L’éolien et le solaire sont subventionnés en France, rappelle Rémy Prud’homme. Un décret oblige EDF à leur acheter des mégawatt/heure à des prix plus élevés que celui du nucléaire. Comme l’entreprise publique n’est pas un philanthrope, la différence est mise à la charge des consommateurs d’électricité. Le prix de l’énergie augmente, ce qui est un facteur de destruction d’emplois…«
Bref, 600 000 emplois créés qui pourraient bien s’avérer être 600 000 emplois “maintenus” comme l’admet lui-même Emmanuel Nazarenko. A condition que la bulle verte n’explose pas d’ici-là…
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