Focus : José Bové ou la décroissance en agriculture

La marche pour la décroissance

 

En juin 2005, José Bové participe à la « marche pour la décroissance » de François Schneider et son âne Jujube, qui ont arpenté les routes de France depuis juillet 2004 pour sensibiliser leurs contemporains à la nécessité de la décroissance.

« Je souhaite hardiment la décroissance de toutes les tumeurs, notamment celles qui se développent de manière déraisonnée dans le monde actuel, détruisant les fondements mêmes de notre survie : le réseau (auto)routier, les centrales nucléaires, les OGM et l’agriculture productiviste, les TGV, les aéroports, les mines à ciel ouvert, les lignes haute-tension, les explosifs, les bulldozers et la surconsommation en général », déclare le « chercheur-écologue » François Schneider.

A Thiviers-Villars, près d’Angoulême, il rencontre « Yvan et Marie-Claire à la ferme du Brandau. Yvan fait une thèse sur l’agriculture bio ». François Schneider s’entretient avec le couple sur l’agriculture. « A mon avis, la notion de local n’est pas assez explicitée dans le concept de départ [de l’agriculture bio], d’où l’importance de spécifier bio ET local. (…) Très catholique comme sa femme, Yvan est choqué par le fait qu’un des fondateurs reconnus du bio, Rudolf Steiner, soit tant marqué par le spiritisme. Il préfère Fukuoka, qui a lancé l’idée d’une agriculture peu interventionniste (sans taille, sans labour, sans traitements, sans enlever les mauvaises herbes ou du moins par petites touches subtiles). »

De retour sur la route, François Schneider note dans son carnet de bord : « Incroyable toutes ces monocultures de maïs qui existent à 90% pour nourrir les animaux d’élevage industriel. Dans la suite des horreurs, quelles surfaces vont être nécessaires pour nourrir les “animaux-voitures” avec des champs de colza et de tournesol si nous continuons à vouloir nous déplacer frénétiquement avec tous ces engins routiers ? On trouve déjà peu de champs pour nourrir les gens et peu de nature. D’après des documents soutenant le bio-diesel, il ne faudrait “que” 20 millions d’hectares de tournesol ou colza pour satisfaire nos besoins actuels de transport. »

Sur son chemin, il vend L’Ecologiste, la revue d’Edouard Goldsmith (l’un des sponsors de sa marche), et La Décroissance, un journal lancé par Casseurs de Pub et dont le tirage frôle les 40.000 exemplaires. Comme le relate Emmanuel Grenier dans Industrie & Environnement, on y apprend « que la croissance tue, qu’il faut remplacer son café matinal par de la chicorée, fondre les pylônes des téléskis, renoncer au viaduc de Millau pour suivre plutôt Lanza del Vasto, et aller vivre sans électricité dans un village de l’Hérault. Tout ce qui touche de près ou de loin à la science ou à l’industrie y est dépeint comme mauvais, puisque cela découle de la volonté de maîtrise de l’homme, cette espèce nuisible qui ne cesse de violenter la gentille mère nature. » Arrivé à Magny-Cours le 7 juin 2005, François Schneider est rejoint par José Bové et Vincent Cheynet, ainsi que par le sociologue Paul Ariès, écrivain prolifique et animateur de l’association Casseurs de Pub, par le biologiste et militant anti-OGM Albert Jacquard, et enfin par Serge Latouche, professeur en sciences économiques à Paris XI et membre du comité éditorial de La Décroissance.

Président de l’Institut économique et social pour la décroissance soutenable (IEESD), Serge Latouche déclare qu’il fait « partie d’un réseau transnational qui s’est créé dans les années soixante-dix autour de la critique du développement, compris comme entreprise du Nord en direction du Sud ». « Face à cette occidentalisation du monde, nous étions très minoritaires », souligne-t-il dans le livre Ensemble, sauvons notre planète. L’économiste poursuit : « Le succès soudain et tout relatif de [sa] critique, longtemps prêchée dans le désert », provient de « la crise de l’environnement, mais aussi de l’émergence de la mondialisation ».