Le financement du lobby vert

Les parrains bienveillants de l’altermondialisme

Fin 1999, d’importantes manifestations contre l’OMC à Seattle, avec la présence de José Bové brandissant du roquefort, avaient déclenché le mouvement des protestations altermondialistes. Ces événements ont bénéficié d’une couverture médiatique considérable, permettant de donner aux mouvements altermondialistes une résonance à l’échelle internationale. Il est cependant moins connu, même chez les militants altermondialistes, que le succès de ces manifestations n’aurait pas été au rendez-vous sans la générosité de certaines fondations philanthropiques, en particulier de la Foundation for Deep Ecology (FDE) – la Fondation pour l’écologie profonde.

La FDE a été créée par le multimillionnaire américain Douglas Tompkins, ancien PDG de la ligne de vêtements Esprit, afin d’apporter une aide financière substantielle à la lutte écologiste. Cependant, elle veut aussi contribuer à changer en profondeur la société et entre autres le système économique, considérant que « le “libre-échange” est intrinsèquement destructeur aussi bien pour l’environnement que pour les êtres humains ». En conséquence, la FDE décide, dans les années 90, de catalyser les activistes travaillant sur les questions de l’environnement, de l’agriculture, des rapports Nord-Sud, etc., contre l’« ennemi commun : la mondialisation ». La FDE réunit les principaux leaders dans le domaine de l’écologie et de la lutte contre la mondialisation et propose de créer en 1994 une organisation – l’International Forum on Globalization (IFG) – afin de réunir un maximum de forces dans la rébellion antimondialisation. Selon ses propres termes, la FDE « a conçu, hébergé et financé » l’IFG. Jerry Mander, l’un des directeurs de la FDE, devient responsable de l’IFG et, grâce au financement massif de la FDE – plus d’un million de dollars entre 1997 et 2001 –, l’IFG multiplie réunions, conférences et formations des militants afin de mobiliser les troupes, jusqu’à sa consécration en 1999 avec les manifestations de Seattle lors du Sommet de l’OMC. Comme le résume bien la FDE, « beaucoup d’organisations ont travaillé dur pour construire une masse critique parmi les activistes et les différents groupes de pression qui sont venus à Seattle. Mais le plus grand mérite doit revenir à l’International Forum on Globalization ». Dans le conseil de direction de l’IFG, on trouve plusieurs figures de l’écologisme radical comme Teddy Goldsmith, Helena Norberg-Hodge ou Vandana Shiva.

Mais la présence des fondations dans cette dynamique de lutte antimondialisation ne s’arrête pas là. Au même moment où les militants altermondialistes manifestaient à Seattle en 1999, à quelques rues de là, se réunissaient une quarantaine de fondations à l’initiative de l’Environmental Grantmakers Association, un réseau de fondations spécialisées dans le financement des causes écologistes, afin de réfléchir à la façon d’intervenir dans cette problématique de la mondialisation. C’est ainsi que fut créé le Funders Network on Trade and Globalization (FNTG), un nouveau réseau de fondations dont l’un des objectifs est « d’accroître les ressources financières destinées à un développement économique mondial juste, centré sur l’homme et durable d’un point de vue environnemental ». Dans le comité directeur du FNTG, on trouve évidemment Jerry Mander pour le compte de la FDE mais aussi tous les poids lourds de la philanthropie : Rockefeller Foundation, JMG Foundation, Rockefeller Brothers Fund, Charles Stewart Mott Foundation, Ford Foundation, etc. Il est aussi à noter que la Ford Foundation a été l’un des principaux pourvoyeurs de fonds du Forum social mondial, et cela depuis Porto Alegre en 2001.