Révélations sur Les Amis de la Terre

Entre discours radical et relations institutionnelles

Les Amis de la Terre ont dès le départ tenu une ligne radicale et ont collaboré avec d’autres associations qui partageaient le même point de vue. Ainsi, pour diffuser leur lettre d’informations, les FOE s’allient en 1972 à la revue britannique The Ecologist éditée par le richissime Teddy Goldsmith, une revue promouvant une idéologie conservatrice malthusienne. Leur première « newsletter » des FOE est publiée dans le numéro de The Ecologist contenant le manifeste Blueprint for Survival (publié en France sous le titre « Changer ou disparaître »). Ce dernier texte postule par exemple que « c’est la croissance actuelle, tant de la population dans son ensemble que de la consommation par tête d’habitant, qui nous impose un changement radical : en détruisant les écosystèmes et en épuisant nos ressources, elle sape les fondements mêmes de notre survie. » Selon le témoignage de Pierre Samuel, un ancien responsable des Amis de la Terre, Teddy Goldsmith collaborait à l’époque de façon étroite avec l’association écologiste française. Ce même Pierre Samuel explique que les Amis de la Terre France ont notamment été influencés par Jacques Ellul et Bernard Charbonneau, deux grands critiques de la « société technicienne » et précurseurs de la décroissance. Ellul affirmait entre autre : « Il faut sortir du cycle infernal consommation-production, même si cela doit bouleverser nos habitudes quotidiennes et réduire notre niveau de vie. »

Malgré leur discours radical, les FOE ont reçu le soutien de personnalités institutionnelles. Nous avons déjà mentionné plus haut Aurelio Peccei, président du Club de Rome, et Maurice Strong, premier directeur du Programme des Nations unies pour l’environnement. Ce dernier, membre du conseil des FOE, a permis à l’organisation écologiste de jouer un rôle important lors de la première conférence de l’ONU sur l’environnement qui s’est déroulée en 1972 à Stockholm. Plus surprenant encore, Foreign Affairs, la prestigieuse revue du Council on Foreign Relations (CFR, un des think tanks les plus influents dans les cercles de pouvoir américains) a ouvert ses colonnes en 1976 au représentant des FOE-Angleterre pour un article concernant l’énergie dans lequel il est proposé de développer les « énergies douces ». Certaines critiques contre le nucléaire ont certainement dû plaire à certains milieux ultralibéraux, car Amory Lovins affirme que ces technologies lourdes, « souvent dépeintes comme le bastion de la libre entreprise et du libre marché, sont au contraire un monde de subventions, d’aides s’élevant à 100 milliards de dollars, d’oligopoles, de régulations, de nationalisation, de droit d’expropriation et d’étatisme d’entreprise. Une telle autarcie dirigiste est l’une des nombreuses distorsions de la fabrique politique. » La même année, les Amis de la Terre ont participé à la création du Bureau Européen de l’Environnement (BEE), destiné à regrouper les associations d’environnement de la CEE et de les représenter auprès du Parlement Européen, du Conseil et de la Commission de Bruxelles. Encore récemment, en 2003, la branche française de l’ONG se félicitait d’avoir « été souvent consultés sur les grands enjeux écologiques mondiaux par le Ministère de l’Écologie et par l’Élysée. (…) Toujours très sollicitée, l’association fait l’objet de nombreuses démarches d’élus nationaux, de sociétés et des pouvoirs publics. »