Gilles-Eric Séralini, le chevalier blanc anti-OGM
Gilles-Eric Séralini vient de rééditer une version augmentée de son ouvrage de 1997 Le sursis de l’espèce humaine, sous le titre plus accrocheur de OGM, pesticides, aliments : Nous pouvons nous dépolluer. Pour ceux qui ne le connaissent pas ou peu, disons que G-E Séralini, biologiste moléculaire à l’université de Caen, est devenu ces dernières années un allié de poids des militants anti-OGM et antipesticides. Rappelons qu’il est l’un des premiers scientifiques français, avec son ami Jean-Marie Pelt, à avoir exigé un moratoire sur les OGM en 1996. Toutefois, son domaine d’action se situe dans un tout autre registre que celui de José Bové et ses Faucheurs Volontaires. D’ailleurs, bien qu’il juge que les fauchages aient été utiles au départ pour sensibiliser l’opinion publique, il pense qu’ils sont aujourd’hui contre-productifs et qu’« il fallait attaquer en justice sur le manque de transparence sur les effets sanitaires. Et être du bon côté dans les tribunaux. » De fait, dans sa lutte contre les OGM, l’arme favorite de G-E Séralini est plutôt l’éprouvette que la faux.
Pour mener à bien sa croisade anti-OGM, il crée en 1999, avec Corinne Lepage et Jean-Marie Pelt, le CRII-GEN – Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique – dont il préside le conseil scientifique. Il ne faut cependant pas se méprendre sur les termes. Le CRII-GEN est aussi indépendant qu’étaient démocratiques les républiques démocratiques de l’Est. Il s’agit purement et simplement d’une association écologiste anti-OGM dont la structure permet à Gilles-Eric Séralini et son équipe de produire des études mettant en doute l’innocuité des OGM et critiquant virulemment les méthodes d’évaluation de ces nouvelles plantes. Car en entrant dans son laboratoire, M. Séralini oublie allègrement d’enlever sa casquette de militant anti-OGM et se fixe comme objectif non pas d’établir si oui ou non un tel OGM est toxique mais bien, influencé sans doute par l’avocate Corinne Lepage, d’instruire un procès à charge contre les OGM. Il dit clairement qu’il faut « une expertise contradictoire, comme en justice, et pas seulement des expertises confidentielles de quelques experts. » En gros, son boulot de recherche scientifique consiste à contredire systématiquement les avis des experts qui, lorsqu’ils ne s’alignent pas sur les positions anti-OGM du professeur de Caen, se voient traités par ce dernier d’incompétents et/ou de corrompus. En revanche, si Monsieur Séralini a la critique facile pour les autres scientifiques, il n’apprécie pas trop quand elle s’applique à lui. A titre d’exemple, quand la lettre Agriculture & Environnement rappelait dans son numéro de décembre 2008 que les travaux de G-E Séralini « avaient (…) été invalidés par la communauté scientifique », le responsable du CRII-GEN a dénoncé ces « affirmations péremptoires ». Dans notre dossier sur G-E Séralini ci-dessous, nous nous sommes largement inspiré de la réponse d’Agriculture & Environnement publiée en janvier 2009 concernant ce débat.
Docteur Séralini et Mister Malthus
On pourrait croire que la bataille de Gilles-Eric Séralini contre les OGM et le Roundup est seulement motivée par la nécessité d’alerter l’opinion et les pouvoirs publics sur un quelconque danger pour la santé et l’environnement. Or ce n’est pas le cas ! En effet, derrière l’image du scientifique impartial qu’il se donne, M. Séralini est avant tout un militant écologiste qui, par exemple en avril 2007, participait à un meeting électoral de Dominique Voynet dans lequel il déclarait : « Dans cette campagne présidentielle, il y a un espoir important, c’est que l’écologie que vous représentez gagne davantage de terrain ». Ce soutien appuyé à la candidate des Verts est sans doute un juste retour des choses, puisque c’est Voynet, quand elle fut ministre de l’Environnement, qui proposa en 1998 le nom de G-E Séralini pour siéger au Comité provisoire de biovigilance sur les OGM commercialisés.
Plus gênant, son engagement est totalement imprégné d’un des pires fondements de l’idéologie écologiste, à savoir le malthusianisme. Cette théorie a été imaginée au XVIIIème siècle par le pasteur anglican et économiste britannique Thomas Malthus (1766-1834) qui postulait que la population augmentait plus vite que les ressources, avec comme conséquence une surpopulation aux effets dévastateurs : accroissements des nécessiteux, pénurie des ressources et les famines, les guerres et les épidémies comme régulateurs démographiques naturels. Gilles-Eric Séralini partage parfaitement ce point de vue. Dans son ouvrage intitulé Le sursis de l’espèce humaine, il met par exemple en parallèle la raréfaction des ressources en eau avec la croissance de la population, précisant que « la population mondiale est en train de tripler avec les quatorze milliards d’individus théoriquement attendus vers 2100 (…). Or, même si le nombre des humains se stabilise par la force de la misère, la consommation d’eau, qui a considérablement suivi depuis 1900 l’accroissement de la population mondiale, est donc en passe de grossir énormément plus qu’elle ne l’a déjà fait (…). » En cela, il rejoint les conclusions du fameux rapport au Club de Rome intitulé Halte à la croissance ? qui, en 1972, annonçait la pénurie prochaine de nombreuses ressources naturelles et promouvait la croissance zéro. Pour Gilles-Eric Séralini, « tout donne raison sur le fond principal au Club de Rome ».
Plus généralement, G-E Séralini affirme que « la démographie continue à galoper au cours de la décennie quatre-vingt-dix avec une population mondiale qui double. (…) Cela provoque une situation insoutenable pour l’humanité dévoratrice de ressources, une calamité non seulement environnementale, mais pour tous les hommes, prévoient les experts. » Et il n’hésite pas à comparer l’homme à des bactéries : « Au cours du XXe siècle, nous avons crû de manière exponentielle comme des bactéries dans une soupe. » En outre, à l’instar de Malthus, M. Séralini s’en prend aux pauvres qui sont accusés d’être plus prolifiques. Sans doute que, dans l’esprit du biologiste, les pauvres se comportent davantage comme des bactéries que les riches… Mais contrairement à Malthus, M. Séralini a trouvé pourquoi les pauvres faisaient plus d’enfants ! Avec condescendance, il explique en effet que l’orgasme reste l’un des seuls plaisirs qui restent aux pauvres : « (…) les miséreux qui ne peuvent avoir pour tout ciel, dans une vie de manques et de torture, que leurs instants d’orgasmes, sans pour autant connaître la contraception qui est un luxe, se reproduisent forcément plus que les autres. » Les miséreux apprécieront.
Tous à la solde des lobbys ?
Pour de nombreux scientifiques et experts, de toutes nationalités et de tous horizons, les travaux de Séralini sur les OGM ne tiennent pas la route. Son obstination, renforcée sans doute par ses convictions anti-OGM, ne l’incite pas à prendre en compte les critiques de la communauté scientifique à son égard. Selon le toxicologue français Gérard Pascal, « G-E Séralini est imperméable à toute argumentation scientifique, comme s’il souffrait d’une certaine forme de surdité. C’est sans doute pourquoi il ne s’explique pas l’aveuglement de cette communauté scientifique qui refuse depuis maintenant plusieurs années de reconnaître le bien-fondé de ses propositions… » Et le toxicologue ajoute : « …sauf à conclure qu’ils sont tous incompétents, ce qui est grave, ou, ce qui est plus grave encore, qu’ils manquent tous d’impartialité, d’indépendance voire d’intégrité. »
De fait, le principal argument avancé par G-E Séralini contre ses détracteurs ne se trouve pas dans le domaine scientifique mais dans la vindicte en les dénonçant comme incompétents ou corrompus. Toute personne émettant un avis favorable sur un OGM est, à ses yeux, soupçonné d’être à la solde des lobbys de l’industrie biotechnologique. Il affirme ainsi : « Je crois que le ministère ou les autorités peuvent se tromper lorsqu’elles croient à l’indépendance des commissions qu’elles mettent en place, en racontant que finalement elles ne sont là que pour la science et qu’elle ne doivent pas tenir compte des intérêts économiques des uns ou des autres. D’abord, parce qu’il y a une promiscuité assez grande et assez régulière avec tous les industriels qui viennent, finalement, raconter l’intérêt des biotechnologies. Ensuite, parce que ces commissions sont faites par des biotechnologistes la plupart du temps, qui, eux-mêmes, croient dans l’intérêt de leur corporation. » Il fustige ainsi la « promotion de l’incompétence », où l’« on va essayer de promouvoir les gens qui sont le plus à même de travailler avec des industriels à court terme, qui sont le plus à même de faire bonne figure aux industriels qui rentrent dans les conseils d’administration d’université ». Devant les Verts en avril 2007, il était encore plus explicite : « Ce que nous montrons (dans l’étude sur le MON 863), si nous avons raison (…), c’est qu’il y a ou des malhonnêtetés ou des incompétences, ou les deux, dans les commissions qui ont soutenu les lobbys des énormes multinationales et qui décident de notre alimentation demain. Et si je vous le dis c’est parce que nous avons des preuves. »
Ainsi, le courageux M. Séralini n’hésite jamais à fustiger la corruption au sein de la communauté scientifique, surtout devant un public d’écologistes acquis à sa cause (il se fait en revanche plus discret dans les conférences et colloques réunissant ses collègues scientifiques…). Par exemple, dans le reportage « OGM, à la conquête de nos assiettes », diffusé par France 2 le 19 avril 2007 dans le cadre de l’émission Envoyé Spécial, il confie : « Nous devrions être objectifs mais comment l’atteindre en science quand des enjeux économiques aussi historiques sont atteints. (…) Pour ce type d’enjeux, bien des scientifiques se laisseraient compromettre ou en tous cas montreraient du laxisme face à ces dossiers. » Et quand la journaliste lui demande si l’on a cherché à acheter son silence, Gilles-Eric Séralini, après un long moment et un gros soupir, lâche : « En toute honnêteté, je dois dire que oui. » Il ajoute ensuite : « On a tous été approchés par des cabinets privés qui proposent quelques milliers d’euros de l’heure, voire plus selon la responsabilité que vous avez, pour vous demander de ne plus parler des OGM en public, de ne plus critiquer ces dossiers ou d’être favorable aux biotechnologies. » Dans une autre intervention au sujet du MON 863, de dénonciateur, il se faisait le Zorro de la toxicologie, prêt à traquer corrompus et incompétents parmi les experts européens : « Moi, j’en appelle très solennellement à ce que l’on fasse une contre-enquête à l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) pour voir pourquoi on a pu laissé passer des données brutes ainsi sans demander une prolongation, une expertise contradictoire, et en acceptant les tests statistiques qui avaient été réalisés aussi mal. »
Vous avez dit « indépendant » ?
Quand on lit les études scientifiques, qu’elles émanent de M. Séralini ou de Monsanto, on se trouve face à une grande difficulté : elles sont incompréhensibles pour les responsables politiques, les journalistes et l’opinion publique, à moins de se faire aider par un expert en toxicologie, ce qui ne court pas les rues. Il existe cependant une différence entre les deux : les résultats avancés par la multinationale ne sont pas crédibles aux yeux de l’opinion publique, l’entreprise étant diabolisée par les écologistes, alors que ceux avancés par le gentil M. Séralini sont estampillés du sceau de l’indépendance. Mais l’incorruptible Pr Séralini est-il vraiment le « chevalier blanc », la voix de l’objectivité et de l’indépendance ? Pourquoi en douter, après tout, puisqu’il est l’un des fondateurs du CRII-GEN, le Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique ? D’ailleurs, sur le site de cette association, il est bien précisé : « Il s’agit d’un comité apolitique et non-militant d’expertise, de conseil, indépendant des producteurs d’OGM, intervenant à différents niveaux. » Cela ne correspond absolument pas à la réalité des choses ! En effet en ce qui concerne l’engagement politique du CRII-GEN, il faut rappeler que la présidente du CRII-GEN n’est autre que Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Environnement, également présidente du parti politique écologiste Cap 21 et vice-présidente du MoDem de François Bayrou. De plus, le siège du CRII-GEN se trouve à la même adresse que Cap 21 qui se trouve être aussi l’adresse du cabinet d’avocats de Corinne Lepage et de son mari, Christian Huglo, spécialisé dans le droit de l’environnement. Pour la confusion des genres, on peut difficilement faire mieux !
Ensuite, la revendication de « non-militantisme » est aussi farfelue puisque le CRII-GEN est membre du collectif d’ONG écologistes « L’Alliance pour la planète », aux côtés du WWF, de Greenpeace et des Amis de la Terre. Or comme il est indiqué sur leur site : « La vocation première de l’Alliance est l’action, chaque ONG conservant son identité et sa stratégie particulière. L’Alliance n’est pas une fusion d’associations : c’est un tremplin de propositions et d’initiatives, qui vise à donner plus de poids, de résonance et d’efficacité à leurs actions. »
Enfin que dire de l’objectivité et l’indépendance du CRII-GEN ? Même M. Séralini admet que « c’est un mythe, l’indépendance ! », ajoutant : « Nous-mêmes, le CRII-GEN, nous sommes indépendants des producteurs d’OGM, nous ne sommes pas indépendants de nos adhérents ! Nous sommes bien sûr dépendants des citoyens qui veulent bien nous aider, même des industriels qui veulent bien nous demander des contre-expertises. » Autrement dit, le CRII-GEN est bel et bien dépendant de Greenpeace quand l’association écologiste lui demande des contre-expertises. Le CRII-GEN a par exemple reçu 17.000 euros de Greenpeace France pour réaliser une étude sur le maïs MON 863. Plus récemment, Greenpeace Inde a accrédité G-E Séralini pour effectuer une analyse concernant un nouvel OGM, l’aubergine Bt. On aurait difficilement imaginé que, dans ces deux cas où Greenpeace est le commanditaire, M. Séralini puisse conclure à l’innocuité de l’OGM en question. Tout cela nous amène à la qualité des expertises du Professeur Séralini. En effet, Corinne Lepage a vivement critiqué les experts au sujet des OGM, car « ils faisaient des études pour le monde de l’agrosemence. Cela ne veut pas dire que ce sont des gens malhonnêtes, cela veut simplement dire que c’était des gens qui avaient des intérêts. (…) Tout ça est humain. Cela n’a rien de malhonnête, cela n’a rien d’illégal, mais cela ne donne pas une bonne expertise. » On peut en déduire que M. Séralini, en faisant des études pour les associations écologistes, a intérêt à abonder dans leur opposition aux OGM. Et comme dirait Corinne Lepage, « cela n’a rien de malhonnête, cela n’a rien d’illégal, mais cela ne donne pas une bonne expertise. »
Des études contestées
L’essentiel pour les mouvements écologistes, comme Greenpeace quand celui-ci commande une contre-expertise à G-E Séralini, c’est d’obtenir dans les médias des manchettes de type « Une étude scientifique prouve qu’un OGM est impropre à la consommation ». Ensuite, peu importe que cette étude soit contestée quelque temps après par la majorité des experts. Les organisations écologistes comme les médias estiment en effet que ces querelles d’experts, très techniques et complexes, ne peuvent pas intéresser le citoyen lambda. Dommage car les critiques sont souvent très sévères à l’égard des travaux de l’équipe G-E Séralini.
Par exemple, dans un communiqué de presse de mars 2005, on peut lire que le G-E Séralini et son équipe « ont prouvé que le glyphosate (principe actif du Roundup) est toxique pour les cellules placentaires humaines, tuant une grande proportion de celles-ci après 18 heures d’exposition à des concentrations inférieures à celles qui sont employées en agriculture. (…) Cet effet augmente avec le temps, et on l’a observé avec des concentrations de Roundup 10 fois plus faibles que celles qu’on utilise en agriculture. » Or selon quatre éminents scientifiques, ces résultats sont très contestables pour plusieurs raisons. D’abord, l’équipe de Séralini a utilisé des cellules très particulières (baptisées « JEG-3 ») issues d’un choriocarcinome, un cancer issu du chorion, ce qui n’est pas un choix anodin. En effet, selon les experts, les cellules JEG-3 « ne constituent pas à proprement parler une lignée placentaire » et comportent des anomalies chromosomiques importantes. Ces anomalies, toujours selon les experts, « font que toute observation biologique sur ce type cellulaire JEG-3 doit être analysée avec prudence ». Ils ajoutent que pour valider les résultats de G-E Séralini, il serait indispensable « d’utiliser non pas une seule lignée cellulaire mais plusieurs, qui sont disponibles dans les banques cellulaires internationales ». Alors, soit M. Séralini est incompétent, car ignorant ce que soulignent ces experts, soit il a fait un tour de passe-passe, choisissant spécifiquement ces cellules JEG-3 dans l’unique but d’instruire un procès à charge contre le Roundup.
En outre, l’équipe de Séralini observe que les effets néfastes sont obtenus à des concentrations cent fois inférieures à celles employées en milieu agricole, c’est-à-dire environ 70 mg/litre. Mais à quoi cela correspond véritablement ? Les experts expliquent : « Sans tenir compte des facteurs de sécurité, pour que du glyphosate puisse être présent à une concentration de 70 mg/kg de poids corporel, cela supposerait, pour un individu de 70 kg l’ingestion par voie orale de 16,3 g de glyphosate, c’est-à-dire au minimum 2,3 litres de Roundup dans sa configuration à usage agricole. » Il est à noter que la dose journalière admissible du glyphosate recommandée par l’Agence de Protection de l’Environnement des Etats-Unis est de 2 mg/kg de poids corporel et de 0,3 mg/kg de poids corporel pour l’Europe, c’est-à-dire bien inférieure à la dose de 70 mg/kg utilisée par M. Séralini pour démontrer un effet néfaste.
Plus récemment, en juin 2007, une autre étude de G-E Séralini, cette fois-ci sur le maïs transgénique MON 863, a été à nouveau vivement contestée. Le travail a en fait consisté à apporter une nouvelle analyse statistique de données issues d’études toxicologiques menées par Monsanto. Pour l’équipe de Séralini, il ne fait pas de doute que le MON 863 présente des signes de toxicité. Comme le rapporte Gil Rivière-Wekstein dans Agriculture & Environnement, le ministère de l’Agriculture a saisi la Commission du génie biomoléculaire (CGB) en avril 2007 pour « d’une part examiner la méthodologie utilisée par l’équipe dans le traitement des données statistiques, d’autre part commenter les interprétations toxicologiques qui en découlaient ». Comme l’explique le journaliste, le verdict des experts est sans appel : Séralini est recalé ! Concernant la méthodologie, la CGB a confié l’analyse statistique à Hervé Monod, chercheur à l’Unité de mathématique et informatique appliquée à l’Inra de Jouy-en-Josas. Il conclut : « L’analyse des courbes de croissance proposée dans l’article de Séralini et al., 2007 ne prend pas en compte la variabilité entre individus et repose sur des hypothèses inappropriées concernant les erreurs résiduelles. En conséquence, elle n’est pas valide. » En effet, le statisticien de l’équipe de Séralini utilise « un modèle dit à paramètres fixes, dans lequel la seule source de variabilité provient d’erreurs indépendantes et identiquement distribuées (i.i.d.) ». Pourtant, les méthodes statistiques d’analyse de courbes de croissance ont fait des progrès considérables depuis quelques années, comme l’explique Hervé Monod. Aujourd’hui, les statisticiens compétents utilisent des modèles linéaires ou non linéaires avec effets ou paramètres aléatoires, qui prennent en compte plusieurs niveaux de variabilité. En utilisant ainsi un modèle « non linéaire mixte à paramètres aléatoires », qui dépendent « non seulement du régime (alimentaire) mais aussi de l’individu », Hervé Monod obtient des différences faiblement significatives entre les courbes de croissance des régimes avec ou sans OGM.
Concernant l’interprétation toxicologique, le jugement de la CGB est encore plus sévère à l’égard du travail de l’équipe de Séralini. La commission rappelle qu’« un diagnostic de toxicologie s’effectue sur un faisceau de preuves qui permet de mettre en évidence une action toxique et jamais sur une anomalie isolée, même statistiquement significative. (…) La variation même statistiquement significative d’un paramètre isolé, non confrontée à celle d’autres paramètres biologiques et à des données cliniques, fonctionnelles et histologiques, n’a en soi aucune valeur. » Bref, le moins que l’on puisse dire est que les experts de la CGB ne considèrent pas ces travaux confiés par Gilles-Eric Séralini à un biostatisticien et à un médecin généraliste comme particulièrement pertinents. Ce qu’avait déjà noté l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) dans son avis du 26 avril dernier. Et le toxicologue Gérard Pascal d’ironiser dans Le Figaro du 15 mars 2007 : « Gilles-Eric Séralini, qui n’est pas toxicologue, veut sans doute réinventer la toxicologie à lui tout seul ! »
Sources
Site du CRII-GEN : www.criigen.org
Site d’Agriculture et Environnement : www.agriculture-environnement.fr
G-E Séralini, Le sursis de l’espèce humaine, Belfond, 1997.
G-E Séralini, OGM, pesticides, aliments : Nous pouvons nous dépolluer, Editions J. Lyon, 2009.
France Culture, Terre à terre, émission du 31 mars 2007, « Santé et Environnement », transcription téléchargeable ici.
France Culture, Terre à terre, émission du 21 février 2009, « Nous pouvons nous dépolluer », disponible ici.
Corinne Lepage, entretien accordé à Marianne2.fr, 13 février 2009, vidéo disponible ici.
France 2, Envoyé Spécial, « OGM, à la conquête de nos assiettes », 19 avril 2007, disponible ici.
Commentaires concernant le travail de recherche « Differential effects of glyphosate and Roundup on human placental cells and aromatase », présentés par Marc Fellous, Daniel Marzin, Thierry Mercier, Luc Multigner à la Mission d’Information sur les Enjeux des Essais et de l’Utilisation des Organismes Génétiquement Modifiés, 23 mars 2005.
Rapport d’activité 2006 de la CGB.
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