Business de la peur : ligne éditoriale

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Au-delà de l’opération de communication de l’ex-MDRGF devenu Générations Futures, la traitement de « l’étude » rendue publique cette semaine sur les « substances chimiques » présentes dans les repas types d’un enfant de 10 ans, le traitement médiatique qui en est fait est instructif. Nombreux sont ceux qui pointent du doigt les journalistes, leur méconnaissance des dossiers techniques et par voie de conséquence des informations peu fiables qui sont largement diffusées par les médias. Mais les journalistes ne sont pas toujours responsables de cette généralisation du discours catastrophiste.

Prenons l’exemple du Monde. Dans son édition datée du 2 décembre, le grand quotidien du soir consacre près d’une page à l’opération de Générations Futures et de son médiatique porte-parole, l’infatigable militant François Veillerette. « Des résidus chimiques dans l’assiette des enfants » titre Le Monde pour un article long présentant les conclusions de Générations Futures. Seul le dernier paragraphe donne la parole à un intervenant extérieur aux associations écolos qui ont mené l’opération. Il s’agit du docteur Marie-Christine Boutron-Ruault, directeur de recherche à l’Inserm qui fait entendre une voix  dissonante : « nous avons forcément dans notre assiette des substances chimiques, tout est question de dose. L’homme peut métaboliser les xénobiotiques auxquels il est exposé en permanence (alimentation, médicaments, air intérieur…), mais il n’y a pas lieu de générer une phobie au sein de la population qui ne sait plus quoi manger. »

En dessous de cet article publié en page 4 du Monde, Gaëlle Dupont signe un article très court intitulé « les agriculteurs formés à limiter l’utilisation des pesticides. » En quelques lignes, la journaliste explique clairement les enjeux et les moyens mis en place par la profession agricole pour réduire l’utilisation des pesticides prévue par le Grenelle de l’Environnement. Elle donne la parole à Pascal Ferey de la FNSEA qui est lui aussi très factuel : « on veut que tout le monde s’engage de la démarche (NDLR : de réduction des phytos) et les agriculteurs sont intéressés par les économies potentielles. Simplement, on sait que l’objectif est atteignable dans certaines productions, et pas dans d’autres.« 

Conclusion, Le Monde nous donne plus d’une demi-page sur l’étude inquiétante de Générations Futures et ne consacre que quelques lignes à l’explication des enjeux pour le monde agricole et des nombreux progrès déjà effectués. Pourquoi ne pas avoir interverti l’espace occupé par ces 2 articles : ne consacrer que quelques lignes à Générations Futures et à son étude faible sur le plan scientifique et offrir à Gaëlle Dupont la possibilité de développer son explication sur les pratiques agricoles ? L’orientation de l’information vient donc directement de la rédaction en chef du quotidien et donc de sa ligne éditoriale. Le business de la peur fait sans doute vendre davantage que d’aborder les enjeux techniques de l’agriculture de demain. Les médias sont aujourd’hui devenus des produits qu’il faut vendre plus que des moyens d’informations. Dommage.

4 commentaires sur “Business de la peur : ligne éditoriale

  1. Il y a une chose qui est à remarquer :

    Au début du mois de novembre est sorti le rapport de l’INCA sur l’évolution de la mortalité par cancer en France.

    Bonne étude, bien documentée qui donne en plus des indications sur les taux d’incidence des principaux cancers.

    On avait d’ailleurs parlé de cette étude dans les commentaires d’un billet d’Alerte-Environnement.

    La presse avait largement relayé ces infos, soulignant que l’on mourrait moins du cancer, que les cancers dont l’incidence augmentait le plus avait des causes facilement identifiables (poumon chez la femme = tabac, cutané chez l’homme = exposition aux UV).

    Trois semaines plus tard, Veillerette nous sort son étude trafiquée, avec en préambule :

    « Rien ne permet en effet de lier cette augmentation au tabac et à l‟alcool, dont la prévalence est en baisse régulière depuis des décennies. La baisse des cancers qui y sont les plus liés (poumons, oesophage) en témoigne.
    […] des études sur des registres de vrais jumeaux, ou sur les changements de taux de cancer des populations migrantes montrent un lien entre de très nombreux cancer et des facteurs environnementaux. De même la croissance régulière du cancer chez l‟enfant en Europe depuis 30 ans nous montre qu‟il faut chercher dans notre environnement les cause de cette maladie et ne pas se cantonner à mettre en avant les seuls facteurs tabac et alcool, comme le font les académies de médecine et des sciences, dans des rapports qui ne prennent pas en compte ces réalités.
    Aujourd‟hui la réalité c‟est que […]le nombre de cas augmente inéluctablement […] »

    Et pas un journaliste pour souligner que cette affirmation est complètement gratuite et en désaccord avec l’étude précédente.
    Les journalistes ont vraiment une mémoire de poisson rouge

  2. Si les patrons de presse sont de proxénètes et les journalistes des pauvres filles innocentes obligées de se prostituer pour vivre, expliquez-moi pourquoi dans le même journal, Le Figaro, Marc Menessier fait admirablement sont travail de journaliste de la rubrique scientifique et Yves Miserey lamentablement le sien dans la rubrique environnement ? Je ne sais pas comment ils peuvent se parler quand ils se rencontrent à la machine à café, ces deux-là. Surtout que Menessier a expliqué un jour comment il concevait son travail de journaliste. L’autre, quand il le rencontre, il ne peut qu’avoir honte et baisser les yeux.

  3. Il était pourtant si simple de démonter le mécanisme du « lanceur d’alerte », sinon d’alarme.

    Un menu d’enfant qui a tout l’air d’un menu d’adulte (thé matinal…).
    Un menu déséquilibré, bien qu’ils prétendent avoir suivi les recommandations diététiques (pas de féculents à midi, à part le pain).
    L’achat, entre juillet et septembre de pommes… du Brésil et de haricots… du Kenya (et des citrons d’Argentine).
    Le choix d’une bouilloire en plastique plutôt qu’en métal ou en verre.
    Le choix d’assiettes en plastique alimentaire.
    Et surtout, le choix de produits dont on sait que la probabilité de contenir des résidus est forte (jus de raisin le matin – il devait y avoir une rupture de stock pour le jus d’orange ; raisin à midi ; saumon).
    Le parti pris de l’inflation : « Les résidus : un résidu = une substance présente dans un aliment. Une même substance chimique retrouvée dans 3 aliments différents est ainsi à l’origine de 3 résidus ingérés séparément » (page 10).
    Le refus d’indiquer les doses réellement absorbées, les DJA et les LMR.
    L’indication de résultats qui semblent inférieurs à la limite de mesure.

    Ces choses là sont pourtant simples à expliquer.

  4. « Le Figaro, Marc Menessier fait admirablement sont travail de journaliste de la rubrique scientifique et Yves Miserey lamentablement le sien dans la rubrique environnement ? »
    Le Fig c’est un cas particulier, des plumes et des esprits incisifs mais en service commandé pour l’UMP. S’y côtoient le ridicule et le magnifique.

    @ wakes: oui moi aussi j’ai trouvé particulièrement comique la présence de ces produits frais importés par avion. Je remarque que Carrefour continu à les proposer tout en étiquetant « sans OGM » tout et n’importe quoi dans ces rayons, comme le saumon de Norvège qui évidement en mangent comme 90% de nos poulets.

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