La stratégie de com’ de GE Seralini et de C. Lepage semble se retourner contre eux. L’association des journalistes écrivains pour la nature et l’écologie n’apprécie pas du tout (mais alors pas du tout !) ce dépôt de plainte contre Jean-Claude Jaillette, journaliste au magazine Marianne. Ce dernier serait coupable selon le Criigen, l’association écologiste, d’avoir rapporté dans un de ses articles des assertions de « fraude ». “Lesquelles assertions n’étaient pourtant que rapportées, à partir de propos tenus par des scientifiques américains dans un papier du magazine américain Forbes intitulé Scientists Smell A Rat In Fraudulent Genetic Engineering Study” comme le rappelle Frédéric Denhez. Celui-ci de poursuivre :
“Pour traîner en justice un journaliste, il faut avoir de sérieux arguments. Le principe de la diffamation sert à tout, permet de tout oser, c’est même à ça qu’on le reconnaît. Tout de même, porter plainte contre un média parce que ses informations déplaisent, c’est en soi porter plainte contre la liberté d’expression. Alors, porter plainte pour des informations rapportées à partir de citations parues dans un autre magazine, c’est assez baroque : un journaliste doit-il être non seulement responsable de ses écrits, mais aussi de ceux des quidams qu’il cite ? Ou bien doit-il faire viser son papier par les gens qu’il contredit ?”
“C’est désespérément triste, et incroyablement grave pour la liberté d’informer,” conclut le même Frédéric Denhez.
C’est aussi une grosse bourde en matière de communication. Allez attaquer des journalistes. M’enfin, Gilles-Éric et Corinne, vous nous aviez habitué à mieux en matière de com’…
Merci pour ce lien.
Mais je crains que JNE ne sorte pas grandie de cet article confus et incohérent, et que M. Jaillette ne soit pas vraiment aidé (ni du reste M. Allègre, également cité).
Le titre me gêne déjà : « Le CRIIGEN porte plainte contre… la liberté d’expression » ? Non, M. le journaliste ! Quelqu’un (qui, exactement ?) a porté plainte en diffamation.
Quel est le noeud du litige ? M. Jaillette a écrit :
« … Ils* expriment leur scepticisme à propos de la démarche scientifique et leur colère envers l’utilisation que les mécènes font de l’étude. Les mots sont durs : « opération de communication », « fraude scientifique où la méthodologie sert à conforter des résultats écrits d’avance », etc. »
Le juge décidera – si la plainte va à son terme – s’il est diffamatoire pour un journaliste de faire état d’une fraude par la voie d’une citation non sourcée, et ce, soit dans l’absolu, soit compte tenu de l’ensemble des circonstances ; et, le cas échéant, si le journaliste est couvert par sa liberté d’expression et le devoir d’informer.
M. Denhez écrit après une envolée grandiloquente : « un journaliste doit-il être non seulement responsable de ses écrits, mais aussi de ceux des quidams qu’il cite ? » Bien sûr que oui ! Et c’est vraiment prendre ses lecteurs pour ce qu’ils ne sont pas que de poser cette question.
« Jean-Claude Jaillette devra s’expliquer sur le fond » ? Oui, sans nul doute. Mais que signifie « fond » ? Une réfutation de l’« étude » en bonne et due forme apportant la preuve d’une fraude ? Ou la simple existence d’un « scepticisme à propos de la démarche scientifique et [d’une] colère… » ? Avec ou sans le mot « fraude »** ?
Complètement nulle cette « comparaison » avec MM. Allègre et Courtillot. À ma connaissance, ils n’ont jamais porté plainte en diffamation pour faire avancer leurs idées (et, du reste, seuls les anthroporéchauffistes bornés leur attribueront une idéologie).
« Jean-Claude Jaillette est en fait puni d’avoir osé publier en 2009 un livre favorable aux OGM (Sauvez les OGM, Hachette Littératures) » ? Ridicule !
« C’est désespérément triste, et incroyablement grave pour la liberté d’informer » ? C’est désespérément triste de voir des journalistes exciper à tout moment la liberté d’informer comme une sorte de protection inviolable.
Cette plainte – sauf à tomber sur des juges atteints de préjugés anti-OGM – est une superbe occasion de tester cette liberté d’informer face à une attaque qui ne visait pas tant un Jaillette coupable d’avoir osé le mot « fraude » que les autres journalistes.
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* Des chercheurs du monde entier (mais pas ceux qui ont signé la tribune pour laquelle M. Jaillette a écrit l’introduction).
** Qu’on trouve dans « Scientists Smell A Rat In Fraudulent Genetic Engineering Study ».
Juste pour aider M. Jaillette (et M. Allègre qui a fait état d’un « travail falsifié ») : des anti-OGM indurés ont bien compris comme lui : « Some of them, like Chassy and Miller, have actually accused Seralini and his colleagues of scientific fraud. »
http://www.gmfreecymru.org/documents/seralini_defends.html
De mauvaises manières, aux méthode contestables et, sans surprises, contestées avaient été choisies par GE Séralini et al. pour la publication de leur étude sur les effets des OGM sur les rats.
Ce qui m’avait amené à supputer (je l’ai écrit sur ce blogue dans une forme plus ou moins ironique d’ailleurs, à cette occasion), que leurs auteurs allaient essuyer en retour un volée de bois « vert » (sans jeu de mot… 🙁 ) et autres attaques plus ou moins amicales et que l’avocate Mme Lepage n’allait certainement pas manquer de travail.
Et, apparemment, c’est bien ce qui est en train de se confirmer…
aux méthode —> aux méthodes 😳
[mes excuses]
Et si la Justice conclut qu’il est très vraisemblable que l’étude relève de la fraude et non de l’amateurisme, il se passe quoi?
La Justice est saisie de plaintes en diffamation.
Elle devra dire si l’emploi du mot « fraude » par M. Jean-Claude Jaillette dans un article de Marianne, dans le cadre d’une citation, est diffamatoire ou non.
Elle devra dire si l’emploi de « travail falsifié » par M. Claude Allègre dans le cadre d’un entretien accordé à La Provence est diffamatoire ou non. (La Provence est-elle aussi poursuivie ?)
Il est très peu vraisemblable que la Justice conclue qu’il « est très vraisemblable… » : la Justice dit en principe ce qui est et ce qui n’est pas.
Il y a un problème ici, en droit français : l’exception de vérité est difficile à plaider à cause d’une procédure stricte. Ça m’étonnerait qu’elle soit plaidée dans le cas de M. Allègre (démontrer une falsification scientifique…).
À mon sens, la Justice peut statuer sur les diffamations alléguées sans avoir à se prononcer sur le caractère frauduleux de l’« étude ».
Ce sera quasi nécessairement le cas si elle conclut à la diffamation.
Et ce sera, à mon sens, vraisemblablement le cas si elle aboutit à l’absence de diffamation. Il lui suffit, par exemple, d’écarter le grief au motif que M. Jaillette a exercé le droit d’informer, et que les propos de M. Allègre relèvent du « débat scientifique ». Elle peut aussi, sans se prononcer sur le caractère frauduleux de l’«étude » – ce pour quoi elle n’est pas armée – constater qu’il y a eu tellement de critiques de l’« étude » pour en déduire que les propos de M. Allègre reflètent une opinion (à distinguer d’un fait) générale, qu’il disposait de suffisamment d’éléments pour s’exprimer comme il l’a fait, et qu’il bénéficie par conséquent de l’exception de bonne foi.
Mais admettons qu’elle s’exprime sur le fond. Que se passera-t-il ?
1. Le(s) plaignant(s) devra/devront décider s’il(s) fait/font appel.
2. Il ne devrait rien se passer sur le plan scientifique, à part de nombreux commentaires (lettres à l’éditeur) qui ne changeront rien à la (mauvaise) réputation de l’équipe de Caen.
3. Une partie de la blogosphère (moi, peut-être…) va s’intéresser au jugement.
4. Une autre partie de la blogosphère va s’exciter… la Justice sera accusée d’être à la botte de la multinationale que ces gens aiment tant haïr.
5. Les médias bien pensants feront profil bas (mais attention : certains journalistes comme M. Sylvestre Huet, et même M. Stéphane Foucart, n’ont pas apprécié le plan comm’ de la fine équipe…et risquent d’avoir la dent dure) ; car la peur et la prédication de l’apocalypse restent un fond de commerce juteux qu’il ne faut surtout pas mettre en danger.
6. Un hebdomadaire qui, en des temps lointains était fort respecté, aura oublié qu’il avait titré en septembre 2012 : « Oui, les OGM sont des poisons ».
7. Un membre de l’Académie des sciences qui a acquis récemment une certaine célébrité et dont un grand savant helvétique a écrit qu’il était « devenu un cas princeps d’ASS (Alzheimer Scientifique Sélectif), un syndrome rencontré à plusieurs reprises dans [sa] vie professionnelle et dont [il] ferai[t] la description bientôt » (ohé ! M. de Weck, on attend…) accordera peut-être un entretien à un magazine faisant la promotion des charlataneries pour « démontrer » une fois de plus que l’« étude » est statistiquement fondée et que le Tribunal ne comprend rien à la science séralinienne (désolé… elle est longue, la phrase).