« Plus de six résidus de pesticides sur dix quantifiés dans l’alimentation européenne sont des perturbateurs endocriniens suspectés » (Le Monde), « Alimentation : des pesticides et des perturbateurs endocriniens dans notre assiette » (Le Parisien), « Une ONG prévient sur la présence de perturbateurs endocriniens dans les assiettes des Européens » (Europe 1), « Des perturbateurs endocriniens dans nos assiettes ? « (AFP). Depuis ce matin, la liste des titres anxiogènes à la une des médias est à rallonge. Au lieu de rassurer le consommateur sur le fait que plus de la moitié des fruits et légumes produits en Europe ne contient aucun résidu de pesticides et que la quasi-totalité de la production (96,2%) respecte les limites imposées par la réglementation, Générations Futures s’acharne à faire peur aux Français. Le succès au plan médiatique est une nouvelle fois au rendez-vous. Il faut dire que François Veillerette est devenu un professionnel de la communication avec un plan médias parfaitement huilé : exclusivité dans le Parisien, avant-première dans Le Monde, France 2 et Radio France, dépêche AFP matinale et point presse pour couronner le tout en milieu de matinée et remettre une pièce dans la machine. Chapeau l’artiste !
Générations Futures n’en est pas à son premier coup d’essai. L’association militante, soutenu financièrement par des poids lourds de l’industrie du bio, fait régulièrement le buzz pour s’en prendre aux pesticides, en prenant soin de ne pas parler des pesticides utilisés en agriculture biologique. Et aujourd’hui, Générations Futures a pris l’angle des perturbateurs endocriniens. Pour effrayer le consommateur, l’association a réussi à sortir un chiffre alarmant : 60% des pesticides retrouvés dans nos assiettes seraient des perturbateurs endocriniens. Et parmi eux, Générations Futures cite en particulier le boscalid, un fongicide utilisé pour protéger aussi bien les grandes cultures que les vignes ou les fruits et légumes. Problème, Générations Futures et son très médiatique porte-parole François Veilerette, ont oublié de relire leurs propres déclarations au printemps dernier. Cherchant à récupérer la polémique naissante sur les fongicides SDHI suite à une tribune dans Libération, François Veillerette s’était engouffré dans la brèche pour réclamer l’interdiction du boscalid. Mais il soulignait alors dans une interview au Quotidien du Médecin que « le boscalid n’est pas classé perturbateur endocrinien ou cancérogène dans les bases de données officielles ». C’était le 24 avril dernier. Les choses auraient-elles changé à ce point ?
François Veillerette a néanmoins cherché à noyer ses contradictions dans un verre d’eau. Il explique que son chiffre alarmant de 60% repose non pas sur une liste officielle de perturbateurs endocriniens mais sur base de données TEDX, qui répertorie les molécules suspectées d’avoir un effet de perturbation endocrinienne. Si on retrouve le boscalid dans cette base de données, ce n’est pas nouveau puisque cela remonte au 13 juillet 2017, soit bien avant les propos de François Veillerette au Quotidien du médecin.
Pour alimenter la machine à faire peur et soigner sa visibilité médiatique, Générations futures n’hésite pas à recourir à une méthodologie à géométrie variable. Pour l’approche scientifique, on repassera…
Sources :
Des dizaines de milliers de produits peuvent être suspectés d’être des perturbateurs endocriniens. En effet, si l’on prend , à titre d’exemple, la liste UN des 45 substances susceptibles d’avoir des effets de perturbateurs endocriniens, (https://chemicalwatch.com/68296/un-publishes-list-of-identified-endocrine-disruptors) on s’aperçoit que celle-ci comporte un certain nombre d’esters de l’acide phtalique (phtalates) : phtalates de bis( 2-éthylhexyle), de diisobutyle, de dibutyle, de diéthyle, de dihexyle, de dicyclohexyle, de dioctyle (1), de diisodécyle, de diundécyle et de benzyle et butyle. Ce qui fait déjà 10 produits identifiés. Mais, comme l’acide phtalique est un diacide, toutes les combinaisons 2 à 2 des alcools déjà cités (par exemple éthyle et hexyle, ou cyclohexyle et octyle etc…) ont certainement les mêmes propriétés, ce qui fait, avec donc seulement les alcools cités dans la liste, une combinaison de 2 produits parmi 11, soit 55. Il y a aussi beaucoup de chances pour que toute la série des alcools linéaires ou ramifiés jusqu’à 20 carbones ou plus, combinés sous forme d’esters avec l’acide phtalique aient, eux aussi les mêmes propriétés. Si on dénombre une centaine de ces alcools (il y en a, en fait, beaucoup plus), on arrive à 4950 esters différents…
Tout cela pour dire que la liste UN ne représente pas grand chose scientifiquement parlant.
(1) le phtalate de dioctyle et le phtalate de bis(2-éthylhexyle), tous deux cités dans la liste UN, c’est la même molécule, ce qui me conforte dans l’idée que cette liste, on peut, sans souci, l’utiliser pour ce que je pense…
Pierre-Ernest