« L’utopie ou la mort »

Partager sur : TwitterFacebook

Neuvième ouvrage de notre bibliothèque verte virtuelle avec « L’utopie ou la mort signé René Dumont. Un des plus grands classiques de la pensée écologiste radicale. Bonne lecture…

L’utopie ou la mort, René Dumont, Seuil, 1973.

Sorti un avant la candidature de l’agronome René Dumont à l’élection présidentielle, L’utopie ou la mort constitue l’ouvrage de référence des écologistes français. Prenant comme base les constats des milieux écologistes anglo-saxons, il se distingue en proposant une approche plus tiers-mondiste.

« Saisi à la gorge » par les constats effectués par Changer ou Disparaître de The Ecologist ou de Halte à la croissance publié par le Club de Rome, René Dumont décide d’apporter sa pierre à l’édifice écologiste avec son livre L’utopie ou la mort. Toutefois, il critique le Club de Rome, « émanant de dirigeants de l’économie capitaliste », pour son apolitisme qui « cache (…) une position satisfaite des structures économiques actuelles, donc finalement conservatrice ». Il reproche aussi à The Ecologist de ne pas avancer suffisamment sur les questions sociales. En fait, René Dumont est avant tout tiers-mondiste et gauchiste qui voit dans le capitalisme le responsable principal des problèmes, déclarant que « les pollutions ne sont pas le fait des plus pauvres, mais viennent essentiellement des pays riches ». Bien qu’il soit opposé à la croissance zéro – pour lui, la solution réside dans une économie distributive au niveau mondial, basée sur l’autogestion au sein de communautés locales –, Dumont est en revanche favorable à la croissance démographique zéro : « Il serait possible , surtout quand les méthodes contraceptives et d’avortement précoce auront fait des progrès décisifs, de n’autoriser qu’une natalité compensant exactement la mortalité, donc d’atteindre vite la croissance zéro, si on employait des méthodes autoritaires – que le danger mondial permettrait de justifier. » Et il se veut plus précis : « L’abandon des petites filles dans les familles pauvres chinoises, ou l’avortement systématique au Japon, avant 1869 comme après 1945, peuvent être, à la lumière de nos récentes observations, considérés comme des mesures comportant une certaine sagesse. » Ces méthodes démographiques autoritaires, René Dumont estime qu’elles doivent en priorité s’appliquer aux pays riches, car « 200 millions d’Américains polluent plus que ne le feraient 5 milliards d’Indiens ». Dans sa société idéale, « la famille nombreuse y serait bientôt déconsidérée, avant même d’être pénalisée, puis interdite ». Dumont s’en prend aussi à toutes les formes de pollution, ainsi qu’aux armements, à l’auto privée et à l’« urbanisation dévergondée », tout en promouvant l’instauration d’institutions supranationales devant contrôler l’économie. Il souligne également la nécessité « d’être éduqués – ou rééduqués – à ne plus jouir des biens qui nuisent aux plus déshérités ». Ce terme de rééducation est assez inquiétant quand on sait que René Dumont considère comme modèles la Chine de Mao Tsé-toung (malgré la révolution culturelle), la Corée du Nord et le Vietnam. Ainsi, il pense que « nos sociétés développées trouveraient certes en Chine les bases d’une nouvelle foi dans l’homme et ses possibilités de progrès ». L’écologiste français brosse ensuite le portrait du développement durable avant la lettre : « Oui, l’expérience chinoise nous paraît bien celle de la société actuellement la plus apte à la survie prolongée ; les cohortes de bicyclettes des larges avenues de Pékin ne fument pas ; l’intérêt général est au centre des préoccupations de la très grande majorité ; les déchets sont récupérés, les gaspillages insignifiants, la pollution réduite au minimum, la conscience socialiste y atteint un niveau très élevé… » Il ajoute l’exemple de l’éducation chinoise : « Dès 10 ans, les écoles chinoises organisent des ateliers, dont la production est vendue. Voici donc des enfants qui participent à la production, ne sont plus des parasites, et se montrent au contraire très fiers de collaborer déjà à la construction du socialisme ». Néanmoins, il se veut rassurant : « Il n’est certes point question de revenir à l’exploitation du travail des enfants de 1820-1840 ».