La face cachée de Greenpeace

Une structure pas très démocratique

Dès la prise de contrôle de Greenpeace, David McTaggart va installer une structure autoritaire qui perdure encore aujourd’hui. Pour Nadège Fréour, du Centre de politologie de Lyon, Greenpeace a « une structure hiérarchique et centralisée, laissant peu d’autonomie aux composantes de base », ajoutant que « la prise de décision est exclusivement confiée à un nombre restreint de directeurs exécutifs, au niveau international et dans les différents bureaux nationaux, qui dépendent eux-mêmes étroitement du siège d’Amsterdam. » Cette structure, beaucoup d’anciens responsables de Greenpeace l’ont dénoncée. Par exemple, Bjorn Oekern, ancien directeur de Greenpeace Norvège, a déclaré qu’« aucune démocratie ne peut exister dans Greenpeace. C’est une structure pyramidale où tout se décide en haut, exactement comme dans un système militaire. » Philippe Lequenne, ancien directeur de Greenpeace France, explique que « Greenpeace International décide de ce qui se fera en France et l’organisation fait preuve d’un intégrisme inouï. » François Breteau, autre dirigeant de la branche française de l’ONG, témoigne dans le même sens : « C’est un système très fermé qui fonctionne de façon non démocratique et avec beaucoup d’argent. »

Selon ce que rapporte Nadège Fréour, « l’association justifie ce système “verrouillé” par la crainte d’une annexion de Greenpeace par infiltrations (de la part d’un parti politique notamment), que permettrait un système plus démocratique. » Pour Bruno Rebelle, ancien dirigeant de Greenpeace France et Greenpeace International, ce type de structure a un autre avantage : l’efficacité. Il se souvient en effet que, suite du naufrage de l’Erika, Greenpeace France a pris seul la décision d’agir, seulement une demi-heure après avoir été informé de la catastrophe, « alors que les autres associations attendaient leur prochain conseil d’administration pour décider de ce qu’elles devaient faire ! »

Et comme à l’armée, la règle est de suivre les ordres sans broncher. Bruno Rebelle défend cette forme d’organisation et pense visiblement qu’il ne faut pas s’embarrasser de débats avec les militants : « On ne va pas changer nos grandes lignes d’action parce que certains militants ne sont pas d’accord. Si ça ne leur convient pas, ils s’en vont. » D’ailleurs, comme le rappelle Antoine de Ravignan, journaliste à Alternatives Economiques, Greenpeace « n’avait pas hésité, en 1985, puis en 1991, à limoger les têtes du bureau parisien pour cause de divergences avec le bureau international. » Et même le très écologiste Jacob von Uexküll, fondateur du Prix Nobel alternatif de l’environnement, avait été mis en dehors de Greenpeace sous prétexte qu’il avait nui à l’image de l’ONG. Il avait en fait simplement suggéré que quelques-uns des millions récoltés soient consacrés à des projets écologistes en mal de ressources…